Chantiers prioritaires pour changer l’Eglise

À votre avis, quels chantiers seraient prioritaires pour activer le changement ? 

Je dirais qu’il y a deux urgences présentes qui changeront ensuite la face de l’Église, deux fossés à combler. Le premier fossé, qui n’est peut-être pas le plus important – mais dans l’état des choses il est capital –, c’est celui qui sépare le langage du Magistère de celui de ses savants. Lorsque le Magistère acceptera le langage de ses savants, déjà il aura évolué ; ça le fera évoluer. Le second fossé est celui qui sépare le clerc du laïc. Il est en train de se combler, même du côté épiscopal. Non seulement le prêtre maintenant est davantage à niveau, mais on voit aussi des évêques se déplacer pour être plus près de leur peuple, aller dans des communautés de base, parler avec des prêtres mariés et recourir à leurs services. Et puisqu’il n’y a jamais deux sans trois, ajoutons un autre vide à combler, d’une brûlante actualité : alors que rien ne marcherait dans beaucoup de nos paroisses sans les femmes, il faudrait cesser de les tenir à l’écart et les inviter à prendre dans l’Église toute la place que la domination masculine a fini par leur concéder dans la société.

Dans toutes ces urgences, l’avancée devra venir à la fois d’en haut et d’en bas. Mais, comme il serait imprudent d’attendre que l’initiative à partager le pouvoir vienne de ceux qui le détiennent, il faudra bien que des initiatives partent d’en bas : que les femmes se montrent moins résignées et moins dociles, les chrétiens laïcs plus revendicateurs et plus entreprenants, et les savants chrétiens moins accommodants avec la hiérarchie, plus nets pour dénoncer les langages qu’il n’est plus permis de tenir, plus empressés à prendre position dans les problèmes concrets qui se posent à l’Eglise.

 

p 195 – 196 du livre de Joseph Moingt  « Croire quand même », libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme, novembre 2010 Editions du Temps Présent

Joseph Moingt est né en 1915. Ancien professeur de théologie à Paris (Centre Sèvres et Institut Catholique), ce jésuite est considéré comme l’un des plus grands théologiens vivants.

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