Un printemps qui se fait attendre. Bilan des 10 ans du Pape François par José Arregi

En novembre 2013, 8 mois après son élection, le pape François publiait le premier de ses grands documents, je crois le meilleur de tous les textes écrits ou signés par lui : l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, qui me fit vibrer dans son ensemble. Tout cela sonnait comme le pur Évangile de l’encouragement et du renouveau, de la liberté et de la libération. Comme d’innombrables autres chrétiens, je l’ai lu comme un hymne beau et fort à un printemps ecclésial. Cependant, je n’y croyais pas tout à fait, pour deux raisons majeures. D’abord, parce que je ne voyais pas de signes clairs d’un nouveau langage théologique. Ensuite, parce qu’en 2013, je ne me faisais plus d’illusions sur le fait que ce pontificat allait rattraper le retard séculaire accumulé par l’institution ecclésiale au cours des 500 dernières années (beaucoup plus, en fait), ni inverser l’inertie traditionaliste des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, ni combler le fossé croissant entre la culture moderne-postmoderne et le système ecclésiastique dans son ensemble. Il était trop tard pour que l’institution ecclésiale dans son ensemble se laisse transformer par l’esprit de Jésus, par le souffle de la vie.

Mais, 10 ans plus tard, je ne vois toujours pas les signes du printemps ecclésial. Parce qu’il veut ou ne peut pas, parce qu’il peut ou ne veut pas, ou parce qu’il ne veut ni ne peut, le printemps n’est pas arrivé et je ne l’attends plus. Et pourquoi le dis-je ainsi, si catégoriquement ? Voici 6 des principales raisons :

Une théologie devenue incompréhensible.

Une vision insoutenable de l’homosexualité.

Une perspective de genre absolument déplacée.

Les femmes sublimées et marginalisées.

L’impasse des synodes.

Le cléricalisme est la racine de tous les maux.

Mais je ne suis pas déçu par le Pape François pour deux raisons, toutes deux décisives : premièrement, parce qu’il y a dix ans, je n’attendais pas la grande réforme ecclésiale et il n’y a pas de déception là où il n’y a pas d’attente ; ensuite, parce que, si cette institution, qui au Concile Vatican II et dans la période immédiatement postconciliaire a refusé de se réformer en profondeur pour faire avancer l’aspiration à un monde meilleur, si cette institution, dis-je, s’écroule, cela ne me semble plus ni un grand malheur ni une cause de désespoir.

L’espoir du monde ne repose plus sur le sort de ce système ecclésial. Avec mes doutes et mes contradictions, j’essaierai de vivre dans l’espérance : continuer à entretenir en moi et chez les autres la flamme vacillante qui brûle dans la communauté ecclésiale des disciples de Jésus, mais sans attendre la réforme de cette institution ecclésiastique désormais irréformable. L’espérance ne consiste pas à attendre que quelque chose –même le meilleur– se produise, mais à vivre avec esprit, en respirant, en se laissant inspirer par l’Esprit transformateur et en semant chaque jour une petite graine de vie pour la vie commune plus épanouie à laquelle nous aspirons.

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