Un soutien personnel, et non institutionnel, au pape François, par José Arregi

’ai accepté d’exprimer mon soutien au pape François, non sans réticence. « Il s’agira d’un soutien personnel, pas d’un soutien institutionnel », ai-je prévenu. Je m’explique : ma réticence n’a rien à voir avec sa personne en tant que telle, mais avec la figure institutionnelle – la papauté absolue – qu’il continue à représenter, avec le modèle clérical et masculin de l’Église médiévale qu’il continue à défendre, et avec le magistère théologique prémoderne qu’il continue d’exercer.

J’avoue qu’il a eu à gérer une période très complexe et difficile. Au rêve printanier  concret mais inachevé de Vatican II succédèrent, sans solution de continuité les hésitations et contradictions de Paul VI depuis le dit Concile jusqu’à sa mort en 1978, puis – après seulement un mois de pontificat de Jean-Paul Ier, dont nous ne savons pas vraiment s’il est mort ou a été tué – a suivi le long pontificat de restauration de Jean-Paul II (1978-2005)  prolongé par Benoît XVI qui, pour s’affranchir des cloaques et des lobbies du Vatican, n’a rien trouvé de mieux que de fuir en démissionnant (2013), et en léguant au pape suivant  un panorama sombre et enchevêtré. Le conclave des cardinaux, à la recherche d’équilibres impossibles, élut un jésuite en provenance de la pampa argentine. Il se fit appeler François et sortit au balcon pour demander notre bénédiction. Il était déjà trop tard pour une réforme profonde et durable. Mais, pour vraiment essayer, dès la bénédiction reçue, sans même prendre le temps de s’asseoir sur le trône de Pierre, pêcheur de Galilée sans diplomatie ni ruse, il aurait dû proclamer urbi et orbi : « s’en est fini du vieux. Que le neuf commence enfin ». 11 ans sont passés.

Pendant ce temps, le monde vit, nous vivons, une époque de métamorphose civilisationnelle planétaire comme notre espèce n’en a jamais connu depuis son apparition il y a 300 000 ans. Tout ce que l’on crut sûr jusqu’à hier est profondément ébranlé dans tous les domaines. Les religions traditionnelles, le christianisme inclus, avec leurs croyances, leurs rituels et leurs codes, sont en train de s’effondrer. L’incertitude et la peur, et leur symptôme : les fondamentalismes de toutes sortes, se répandent. Tout cela a mis à dure épreuve la sagesse jésuite et la paix franciscaine du pape François. Et, les années passant, surgit et se diffuse le sentiment que le radicalement nouveau, si nécessaire dans cette Église échouée dans les sables du passé, n’a toujours pas vraiment commencé, sans qu’aucun signe ne se donne à voir.

Je reconnais, oui, un ton nouveau, un langage frais, plein d’encouragement, en particulier dans les documents pontificaux tels que l’encyclique Laudato si et l’exhortation apostolique Evangelii gaudium. Dans ces documents et dans d’innombrables interventions, François diffuse un message social, économique et politique clair, courageux et subversif en faveur de tous les laissés pour compte de la Terre, au point de devenir peut-être la voix la plus libre et la plus libératrice, et la plus dérangeante pour les puissances financières acharnées à tuer la vie des humains et de la communauté vivante de la Terre. C’est sans doute l’essentiel de la Bonne Nouvelle que le prophète Jésus proclama et pratiqua, au-delà du temple, du credo et du droit canonique. Et que puis-je demander de plus au pape François à 86 ans et en mauvaise santé ? Non, je ne peux pas demander plus à cet homme plein de bonne volonté et de flots de charisme. À cet homme humain, avec son tempérament et sa tendresse, avec ses erreurs et ses contradictions, avec sa foi profonde et son vieux catéchisme, avec son utopie évangélique et sa théologie conservatrice, à cet homme de chair et de sang, j’adresse de tout cœur mon admiration, mon estime, mon soutien personnel.

Mais cet homme de chair et de sang, comme moi, est le pape de l’Église catholique, investi de la pleine puissance « divine », et c’est lui qui enseigne la vérité, dicte les lois et gouverne avec des pouvoirs absolus, élit les évêques et nomme les cardinaux, cardinaux qui éliront son successeur et les évêques qui n’ordonneront que des hommes au sacerdoce, et proposeront d’instituer un diaconat féminin dépourvu de degré sacramentel et donc subordonné au clergé. Cet homme représente et préside, avec un pouvoir absolu et exclusif, une Église qui se réclame de Jésus, mais qui est en contradiction flagrante avec ce que ce pape enseigne au monde entier. Une Église qui prétend avoir le monopole de la vérité et du bien, qui continue à s’accrocher à une vision du monde et à une anthropologie de millénaires lointains, qui continue d’enseigner des doctrines irrationnelles dans un langage inintelligible, qui, au nom de Dieu et de Jésus, continue à subordonner les femmes et à humilier les personnes LGTBI+, condamnant comme « objectivement pécheresses » les expressions de leur amour sacré… Le dernier exemple est l’approbation de la bénédiction des couples homosexuels, mais non pas comme la bénédiction des couples hétérosexuels, mais comme une bénédiction sans célébration liturgique, presque secrètement et à la hâte ; 10 secondes suffisent, a déclaré le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi ; Le pape François vient de préciser, au cas où cela serait nécessaire : « Les bénédictions pour les couples homosexuels s’adressent ‘aux personnes’ et ne changent pas la doctrine. » Eh bien, Frère François, tant que la doctrine ne changera pas pour sauver l’institution, les gens continueront à souffrir et l’institution elle-même s’effondrera.

Cette Église institutionnelle ne respire plus. Elle n’inspire pas non plus le souffle vital. Et si elle n’inspire pas, elle ne sert à rien. Et si elle ne sert à rien, même si c’est dur à entendre, il faut le dire : rien d’essentiel ne sera perdu si elle continue à s’effondrer. Et elle ne pourra inspirer que si elle apprend à parler de la vie et de tout ce qui est réel – de la création de l’univers, de l’amour, du genre, de la sexualité, de la liberté, du « péché » et du « pardon », « de la vie après la mort, de Jésus, de « Dieu » in fine – d’une manière compréhensible, inspiratrice, consolante, transformatrice pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Et elle ne pourra respirer et inspirer que si elle se réinvente complètement selon l’esprit qui animait Jésus et tous les prophètes et prophétesses de tous les temps, à l’intérieur ou à l’extérieur de toute religion. Elle ne pourra consoler et transformer que si elle réinvente en profondeur tout son langage théologique et tout son édifice ministériel, dont la papauté elle-même reste le fondement et le sommet.

Seul un renversement du modèle de l’Église cléricale et du paradigme théologique intégral peut, s’il n’est pas trop tard, redonner esprit et vie à cette Église, même si elle en vient à se réduire à une petite communauté dispersée mais itinérante et libre. Cela me semble être une tâche institutionnelle indispensable et urgente pour un pape à notre époque. Et il ne suffira pas de réformer l’ensemble de l’appareil Vatican, ni d’éradiquer sa corruption économique endémique, ni de lutter contre sa pédophilie systémique. Quoi de moins que tout cela ! Mais cela ne suffira pas. L’heure n’est pas aux arrangements et aux compromis.

’ai accepté d’exprimer mon soutien au pape François, non sans réticence. « Il s’agira d’un soutien personnel, pas d’un soutien institutionnel », ai-je prévenu. Je m’explique : ma réticence n’a rien à voir avec sa personne en tant que telle, mais avec la figure institutionnelle – la papauté absolue – qu’il continue à représenter, avec le modèle clérical et masculin de l’Église médiévale qu’il continue à défendre, et avec le magistère théologique prémoderne qu’il continue d’exercer.

J’avoue qu’il a eu à gérer une période très complexe et difficile. Au rêve printanier  concret mais inachevé de Vatican II succédèrent, sans solution de continuité les hésitations et contradictions de Paul VI depuis le dit Concile jusqu’à sa mort en 1978, puis – après seulement un mois de pontificat de Jean-Paul Ier, dont nous ne savons pas vraiment s’il est mort ou a été tué – a suivi le long pontificat de restauration de Jean-Paul II (1978-2005)  prolongé par Benoît XVI qui, pour s’affranchir des cloaques et des lobbies du Vatican, n’a rien trouvé de mieux que de fuir en démissionnant (2013), et en léguant au pape suivant  un panorama sombre et enchevêtré. Le conclave des cardinaux, à la recherche d’équilibres impossibles, élut un jésuite en provenance de la pampa argentine. Il se fit appeler François et sortit au balcon pour demander notre bénédiction. Il était déjà trop tard pour une réforme profonde et durable. Mais, pour vraiment essayer, dès la bénédiction reçue, sans même prendre le temps de s’asseoir sur le trône de Pierre, pêcheur de Galilée sans diplomatie ni ruse, il aurait dû proclamer urbi et orbi : « s’en est fini du vieux. Que le neuf commence enfin ». 11 ans sont passés.

Pendant ce temps, le monde vit, nous vivons, une époque de métamorphose civilisationnelle planétaire comme notre espèce n’en a jamais connu depuis son apparition il y a 300 000 ans. Tout ce que l’on crut sûr jusqu’à hier est profondément ébranlé dans tous les domaines. Les religions traditionnelles, le christianisme inclus, avec leurs croyances, leurs rituels et leurs codes, sont en train de s’effondrer. L’incertitude et la peur, et leur symptôme : les fondamentalismes de toutes sortes, se répandent. Tout cela a mis à dure épreuve la sagesse jésuite et la paix franciscaine du pape François. Et, les années passant, surgit et se diffuse le sentiment que le radicalement nouveau, si nécessaire dans cette Église échouée dans les sables du passé, n’a toujours pas vraiment commencé, sans qu’aucun signe ne se donne à voir.

Je reconnais, oui, un ton nouveau, un langage frais, plein d’encouragement, en particulier dans les documents pontificaux tels que l’encyclique Laudato si et l’exhortation apostolique Evangelii gaudium. Dans ces documents et dans d’innombrables interventions, François diffuse un message social, économique et politique clair, courageux et subversif en faveur de tous les laissés pour compte de la Terre, au point de devenir peut-être la voix la plus libre et la plus libératrice, et la plus dérangeante pour les puissances financières acharnées à tuer la vie des humains et de la communauté vivante de la Terre. C’est sans doute l’essentiel de la Bonne Nouvelle que le prophète Jésus proclama et pratiqua, au-delà du temple, du credo et du droit canonique. Et que puis-je demander de plus au pape François à 86 ans et en mauvaise santé ? Non, je ne peux pas demander plus à cet homme plein de bonne volonté et de flots de charisme. À cet homme humain, avec son tempérament et sa tendresse, avec ses erreurs et ses contradictions, avec sa foi profonde et son vieux catéchisme, avec son utopie évangélique et sa théologie conservatrice, à cet homme de chair et de sang, j’adresse de tout cœur mon admiration, mon estime, mon soutien personnel.

Mais cet homme de chair et de sang, comme moi, est le pape de l’Église catholique, investi de la pleine puissance « divine », et c’est lui qui enseigne la vérité, dicte les lois et gouverne avec des pouvoirs absolus, élit les évêques et nomme les cardinaux, cardinaux qui éliront son successeur et les évêques qui n’ordonneront que des hommes au sacerdoce, et proposeront d’instituer un diaconat féminin dépourvu de degré sacramentel et donc subordonné au clergé. Cet homme représente et préside, avec un pouvoir absolu et exclusif, une Église qui se réclame de Jésus, mais qui est en contradiction flagrante avec ce que ce pape enseigne au monde entier. Une Église qui prétend avoir le monopole de la vérité et du bien, qui continue à s’accrocher à une vision du monde et à une anthropologie de millénaires lointains, qui continue d’enseigner des doctrines irrationnelles dans un langage inintelligible, qui, au nom de Dieu et de Jésus, continue à subordonner les femmes et à humilier les personnes LGTBI+, condamnant comme « objectivement pécheresses » les expressions de leur amour sacré… Le dernier exemple est l’approbation de la bénédiction des couples homosexuels, mais non pas comme la bénédiction des couples hétérosexuels, mais comme une bénédiction sans célébration liturgique, presque secrètement et à la hâte ; 10 secondes suffisent, a déclaré le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi ; Le pape François vient de préciser, au cas où cela serait nécessaire : « Les bénédictions pour les couples homosexuels s’adressent ‘aux personnes’ et ne changent pas la doctrine. » Eh bien, Frère François, tant que la doctrine ne changera pas pour sauver l’institution, les gens continueront à souffrir et l’institution elle-même s’effondrera.

Cette Église institutionnelle ne respire plus. Elle n’inspire pas non plus le souffle vital. Et si elle n’inspire pas, elle ne sert à rien. Et si elle ne sert à rien, même si c’est dur à entendre, il faut le dire : rien d’essentiel ne sera perdu si elle continue à s’effondrer. Et elle ne pourra inspirer que si elle apprend à parler de la vie et de tout ce qui est réel – de la création de l’univers, de l’amour, du genre, de la sexualité, de la liberté, du « péché » et du « pardon », « de la vie après la mort, de Jésus, de « Dieu » in fine – d’une manière compréhensible, inspiratrice, consolante, transformatrice pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Et elle ne pourra respirer et inspirer que si elle se réinvente complètement selon l’esprit qui animait Jésus et tous les prophètes et prophétesses de tous les temps, à l’intérieur ou à l’extérieur de toute religion. Elle ne pourra consoler et transformer que si elle réinvente en profondeur tout son langage théologique et tout son édifice ministériel, dont la papauté elle-même reste le fondement et le sommet.

Seul un renversement du modèle de l’Église cléricale et du paradigme théologique intégral peut, s’il n’est pas trop tard, redonner esprit et vie à cette Église, même si elle en vient à se réduire à une petite communauté dispersée mais itinérante et libre. Cela me semble être une tâche institutionnelle indispensable et urgente pour un pape à notre époque. Et il ne suffira pas de réformer l’ensemble de l’appareil Vatican, ni d’éradiquer sa corruption économique endémique, ni de lutter contre sa pédophilie systémique. Quoi de moins que tout cela ! Mais cela ne suffira pas. L’heure n’est pas aux arrangements et aux compromis.

J’entends et je lis sans cesse que François fait ce qu’il peut, non seulement parce que ses forces sont limitées, mais surtout pour éviter un schisme dans l’Église catholique. Je ne sais si je peux le comprendre. Il me vient seulement des questions : qu’est-ce que Paul VI a accompli avec ses scrupules et ses équilibres, sinon être un obstacle décisif à la réalisation des meilleurs rêves conciliaires et une impulsion décisive pour consacrer de manière presque irréversible la rupture entre l’Église et la culture moderne ? Qu’est-ce que François a obtenu au cours de ces 11 années ? Et, pour donner un exemple, entre humilier les couples homosexuels (chrétiens ou pas, peu importe) et « scandaliser » les cardinaux et les clercs homophobes, que choisit-il ? Entre Jésus et le Droit Canonique, à l’heure de vérité que choisit-il en fin de compte ? Et en tout état de cause, au rythme où nous allons et dans la direction ambiguë dans laquelle nous « avançons », de prudence en prudence et de synode en synode, l’Église catholique – et les Églises chrétiennes en général –n’avancent-elles pas sur le chemin de leur totale implosion, ou vers leur réduction à un ghetto culturel et social prémoderne, tout d’abord en Europe et ensuite ailleurs ? Tant d’effort pour éviter un schisme institutionnel – ou bien était-ce l’excuse ?  – n’est-ce pas, de fait, en train de favoriser un schisme général de l’immense majorité sociale qui, indifférente ou déçue, déserte silencieusement une institution qui ne lui procure plus ni inspiration ni répit ?

J’entends et je lis sans cesse que François fait ce qu’il peut, non seulement parce que ses forces sont limitées, mais surtout pour éviter un schisme dans l’Église catholique. Je ne sais si je peux le comprendre. Il me vient seulement des questions : qu’est-ce que Paul VI a accompli avec ses scrupules et ses équilibres, sinon être un obstacle décisif à la réalisation des meilleurs rêves conciliaires et une impulsion décisive pour consacrer de manière presque irréversible la rupture entre l’Église et la culture moderne ? Qu’est-ce que François a obtenu au cours de ces 11 années ? Et, pour donner un exemple, entre humilier les couples homosexuels (chrétiens ou pas, peu importe) et « scandaliser » les cardinaux et les clercs homophobes, que choisit-il ? Entre Jésus et le Droit Canonique, à l’heure de vérité que choisit-il en fin de compte ? Et en tout état de cause, au rythme où nous allons et dans la direction ambiguë dans laquelle nous « avançons », de prudence en prudence et de synode en synode, l’Église catholique – et les Églises chrétiennes en général –n’avancent-elles pas sur le chemin de leur totale implosion, ou vers leur réduction à un ghetto culturel et social prémoderne, tout d’abord en Europe et ensuite ailleurs ? Tant d’effort pour éviter un schisme institutionnel – ou bien était-ce l’excuse ?  – n’est-ce pas, de fait, en train de favoriser un schisme général de l’immense majorité sociale qui, indifférente ou déçue, déserte silencieusement une institution qui ne lui procure plus ni inspiration ni répit ?

José Arregi (Azpeitia, Pays basque espagnol, 1952) a fait sa maîtrise et son doctorat en théologie à l’Institut catholique de Paris (1982-1986). En 2010, sa licence pour l’enseignement de la théologie lui a été retirée, et il s’est vu obligé de quitter l’Ordre franciscain et le sacerdoce ministériel. Il a publié plusieurs livres en basque, en espagnol et en français.

Dieu à hauteur du prochain Mt 22, 34-40

Il faut mettre Jésus à l’épreuve. Et lui, loin de répondre en Normand, expose de façon la plus provocante, sa pensée, sa pratique, sa vie. Il y a assurément deux commandements, dont, à eux deux, dépendent toute la loi et les prophètes, l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Nous sommes habitués à cette réponse au point que nous n’en voyons plus la force explosive. Or notre évangile (Mt 22, 34-40), c’est de la dynamite. Premièrement, peut-on exiger de quelqu’un qu’il aime ? N’est-ce pas le violeur qui force l’autre à l’aimer ? Comment pourrait-il y avoir un commandement de l’amour de Dieu ou de l’amour du prochain ? Deuxièmement, n’est-ce pas sacrilège de mettre sur le même plan, à égalité, l’amour de Dieu et celui du prochain ? Pour les gens de religion, Dieu ne vaut-il pas infiniment mieux et plus que tout le reste ? « Dieu seul suffit » écrit par exemple Thérèse de Jésus.

Nulle part ne se trouve dans la littérature que Jésus aurait pu connaître, ce rapprochement des deux commandements. C’est une nouveauté, cela ne peut apparaître que comme une nouveauté. Vous voyez les hommes de religion, ceux qui respectent la religion des pères, les hommes de tradition, de « on a toujours fait comme ça ». Ils viennent mettre Jésus à l’épreuve et au lieu de la jouer cool, Jésus persiste, enfonce le clou, provoque, persifle.

Pire encore, il ne cite pas les dix paroles, le décalogue, mais va piocher ailleurs. Il assemble d’une part la seconde phrase du Chema Israel et un commandement qui ne semble pas jouer un rôle très remarqué, dans le Lévitique. C’est incontestablement la Loi, avec certes un texte important qui devient comme une profession de foi dans le Dieu un, mais aussi un verset finalement secondaire qui devient le second commandement, égal au premier. L’évangile de Jésus n’est pas la religion de toujours, il fait rupture, introduit une nouvelle, bonne. Il ne sort pas de nulle part et se vit en puissant dans la sagesse ancestrale, mais en la disposant de telle que sorte que cette sagesse est transfigurée en nouveauté de vie, en vie nouvelle.

Il faut se rendre compte de la bombe que constitue la réponse, la pensée de Jésus, et finalement toute sa vie. Aimer Dieu, le vénérer, n’est pas affaire de religion, de culte, de chose à faire, cinq ou x prières par jour, 2 ou x commandements, règles religieuses, rites à respecter, et après l’on est quitte. « Je suis un bon chrétien », je prie tous les soirs. Tu te moques, n’est-ce pas ? On n’est pas bon chrétien à prier, à faire son signe de croix, mais à vivre en paix, en grâce avec les frères, à vivre avec les frères comme avec des proches.

On pourrait dire que Jésus rabaisse la religion à l’horizon de la terre. Il désacralise le ciel, le dés-absolutise. Ou bien, si vous préférez, il exige que la terre soit ciel. C’est ici, dans cette vie, qu’il faut faire vivre avec Dieu comme en paradis. Qui d’entre nous est prêt à faire en sorte que ce soit vrai ? On est a priori tous pour, mais quand il faut s’y mettre… Le commandement envers Dieu est attaché, lié par Jésus au commandement envers l’autre : il n’y a plus de lointain, mais seulement des prochains. Et cela est un véritable sacrilège, cela rabaisse Dieu à hauteur du prochain.

En Jésus, Dieu est à hauteur du prochain. La grandeur de Dieu est sa capacité à se faire prochain pour que tout homme, toute femme, soit élevé à la hauteur de sa sainteté.

Le prêtre, le chargé du sacré, le sacerdote, n’est plus celui qui officie dans le temple et qui offre le sacrifice, mais celui qui se fait prochain, s’approche, ne détourne pas le regard ni ses pas. Il n’y a plus de lieu sacré si ce n’est le visage de l’autre. Il n’y a comme prêtre que les baptisés, configurés à Jésus. Il n’y a plus d’autre offrande à Dieu que l’amour du frère, y compris l’ennemi. Tout offrande à Dieu alors que le frère est méprisé est une insulte, bien sûr au frère, mais aussi à Dieu. Une insulte à Dieu, c’est un sacrilège.

Voyez le retournement. Est-ce de ravaler le commandement de l’amour de Dieu à l’horizon terrestre de l’amour des autres qui est sacrilège, ou de prier Dieu en ignorant le frère ? A vous de choisir. Etes-vous des hommes et des femmes de la religion, qui posent Dieu plus haut que tout, ou des disciples de Jésus avec lequel le seul chemin vers et avec Dieu, le seul culte, le seul service est celui des frères. Il faut choisir entre la religion et l’évangile, entre l’hypocrisie et la violence religieuse et Jésus. Je vous l’avais dit, cet évangile si connu, c’est de la dynamite.

Source  https://royannais.blogspot.com/2023/10/dieu-hauteur-du-prochain-mt-22-34-40.html?

Un printemps qui se fait attendre. Bilan des 10 ans du Pape François par José Arregi

En novembre 2013, 8 mois après son élection, le pape François publiait le premier de ses grands documents, je crois le meilleur de tous les textes écrits ou signés par lui : l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, qui me fit vibrer dans son ensemble. Tout cela sonnait comme le pur Évangile de l’encouragement et du renouveau, de la liberté et de la libération. Comme d’innombrables autres chrétiens, je l’ai lu comme un hymne beau et fort à un printemps ecclésial. Cependant, je n’y croyais pas tout à fait, pour deux raisons majeures. D’abord, parce que je ne voyais pas de signes clairs d’un nouveau langage théologique. Ensuite, parce qu’en 2013, je ne me faisais plus d’illusions sur le fait que ce pontificat allait rattraper le retard séculaire accumulé par l’institution ecclésiale au cours des 500 dernières années (beaucoup plus, en fait), ni inverser l’inertie traditionaliste des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, ni combler le fossé croissant entre la culture moderne-postmoderne et le système ecclésiastique dans son ensemble. Il était trop tard pour que l’institution ecclésiale dans son ensemble se laisse transformer par l’esprit de Jésus, par le souffle de la vie.

Mais, 10 ans plus tard, je ne vois toujours pas les signes du printemps ecclésial. Parce qu’il veut ou ne peut pas, parce qu’il peut ou ne veut pas, ou parce qu’il ne veut ni ne peut, le printemps n’est pas arrivé et je ne l’attends plus. Et pourquoi le dis-je ainsi, si catégoriquement ? Voici 6 des principales raisons :

Une théologie devenue incompréhensible.

Une vision insoutenable de l’homosexualité.

Une perspective de genre absolument déplacée.

Les femmes sublimées et marginalisées.

L’impasse des synodes.

Le cléricalisme est la racine de tous les maux.

Mais je ne suis pas déçu par le Pape François pour deux raisons, toutes deux décisives : premièrement, parce qu’il y a dix ans, je n’attendais pas la grande réforme ecclésiale et il n’y a pas de déception là où il n’y a pas d’attente ; ensuite, parce que, si cette institution, qui au Concile Vatican II et dans la période immédiatement postconciliaire a refusé de se réformer en profondeur pour faire avancer l’aspiration à un monde meilleur, si cette institution, dis-je, s’écroule, cela ne me semble plus ni un grand malheur ni une cause de désespoir.

L’espoir du monde ne repose plus sur le sort de ce système ecclésial. Avec mes doutes et mes contradictions, j’essaierai de vivre dans l’espérance : continuer à entretenir en moi et chez les autres la flamme vacillante qui brûle dans la communauté ecclésiale des disciples de Jésus, mais sans attendre la réforme de cette institution ecclésiastique désormais irréformable. L’espérance ne consiste pas à attendre que quelque chose –même le meilleur– se produise, mais à vivre avec esprit, en respirant, en se laissant inspirer par l’Esprit transformateur et en semant chaque jour une petite graine de vie pour la vie commune plus épanouie à laquelle nous aspirons.

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L’Eglise et la liberté

Le rapport de l’Église à la liberté de l’homme est un sujet particulièrement délicat, parce que certaines pages de son histoire sont plutôt sombres en ce domaine. Au risque d’ailleurs de ne retenir injustement que les abus et scandales et d’oublier la part infiniment plus massive des contributions de l’Église au progrès de la civilisation occidentale et au service d’une humanisation croissante.

Pourquoi ce type de question ?

Il s’agit de situer la responsabilité propre de l’Église par rapport à la mission reçue du Christ d’une part et à l’égard de l’enjeu humain de la liberté d’autre part. Car abus et scandales demandent une réponse qui soit à la hauteur de l’enjeu du problème, en particulier en ce qui concerne l’esclavage et l’Inquisition, quoi qu’il en soit des faiblesses de l’histoire. Si la liberté est une révélation majeure de l’Évangile, il est parfaitement légitime d’interroger la responsabilité de l’Église en ce domaine.

Jésus, homme libre et libérateur

Il vient accomplir la libération définitive de l’humanité. Il est libre à l’égard des hommes. D’un côté, il n’éprouve pas le besoin de demander conseil à quiconque et a la réputation d’être inaccessible aux pressions. Il est également libre avec les événements qui surviennent, en particulier devant l’hostilité et les menaces de ses adversaires. Rien ne le déroutera de sa montée vers Jérusalem, alors qu’il sait parfaitement les risques qu’il va y courir. D’un côté il est totalement fidèle à la Loi qu’il ne veut pas détruire mais accomplir, de l’autre il prend à son égard des libertés considérables et se présente lui-même comme « le maître du sabbat »

L’Eglise et la liberté de conscience

Si l’on admet que la liberté est le droit que possède l’homme d’agir selon son gré et non sous la pression d’une contrainte extérieure et que la conscience se définit comme le sentiment que l’homme a de lui-même ou de son existence, la liberté de conscience pourrait alors se caractériser par la faculté laissée à chacun d’adopter librement les doctrines religieuses ou philosophiques qu’il juge bonnes, et d’agir en conséquence de ce choix. Il faut d’abord lever un premier malentendu. La liberté de conscience, en tant qu’expression personnelle et intime de la conscience morale et religieuse, n’a jamais été combattue en tant que telle à aucune époque de l’histoire. Ce qui a posé très souvent problème, en revanche, c’est la possibilité de l’expression publique de cette conscience dans une société religieuse ou politique donnée.

Le combat contre l’expression libre de la foi

Sous l’Antiquité, la liberté de religion n’a jamais été considérée comme un droit. La religion qui se confondait avec l’État s’imposait à tous les citoyens quelles que soient leurs convictions profondes. Dès que le christianisme est devenu la religion de l’État sous Théodose Ier (346-395), la liberté de religion a été vivement combattue à la fois par les empereurs et par l’Église elle-même. Toutes les propositions doctrinales ou ecclésiales hétérodoxes se sont vues accusées d’hérésie, qualifiées de schismatiques et ont été frappées d’anathème. Une institution spéciale, l’Inquisition, a notamment été créée en 1231 par le pape Grégoire IX dans le but de préserver par des moyens coercitifs le contenu de la « vraie foi ».

Que signifie la « vraie vérité » ?

Car il s’agit bien du problème de la Vérité du message divin proposé par l’Église, et c’est le salut de ses fidèles qui est en jeu. Pour les théologiens catholiques, et ce jusqu’au décret sur la liberté religieuse pris par le concile Vatican II en 1965, l’absolue indépendance de la conscience est chose à la fois absurde et impossible pour un être créé et racheté par Dieu. L’Église catholique s’est aussi longtemps présentée comme le garant absolu de l’authenticité de la foi et le moyen de passage obligé pour l’adhésion des fidèles à la Vérité révélée. Si elle n’a jamais considéré comme licite de forcer quelqu’un à croire, elle a toujours affirmé qu’une personne ayant reçu le baptême catholique ne peut s’autoriser en aucune façon, au risque d’être damnée et de compromettre le salut de ses proches, à le discuter, le contester, ou même le réfuter en sa conscience.

Être libre, c’est d’abord pouvoir choisir ce que je veux. Mais je n’exerce vraiment ma liberté que lorsque je choisis ce qui me fait vraiment exister, et qui me fait vivre selon ma vraie nature.

Georges Heichelbech

L’avenir de l’Eglise : Extrait du livre Esprit, Eglise et Monde, tome 2 De la foi critique à la foi qui agit, Joseph Moingt

Quelle sorte d’Église pourrait être, devrait être demain ? Mais qui répondra à cette question dans l’ignorance très générale de ce que sera demain, un avenir déjà livré à la cupidité de ceux qui sont aux commandes et à l’angoisse de ceux dont le présent n’est même pas assuré ? Les « responsables » ecclésiastiques croient cependant tenir une bonne réponse : l’Église n’est pas à inventer de toutes pièces, elle existe bien ou mal, mais elle est là ; la seule réponse raisonnable est de partir de ce qui existe, de le protéger, de le stabiliser et de l’améliorer. Cela, c’est le choix du bon sens conservateur : changer le moins de choses possible, veiller avant tout au bon fonctionnement de ce qui est en état de marche — c’est la réponse des bons élèves des écoles d’administration de l’Église. Vu qu’elle est déjà, dans nos pays du moins, en état réel de délabrement et en état virtuel de schisme, il n’en restera bientôt plus que quelques îlots de chrétienté tridentine qui ne se poseront plus de questions. Pour le théologien que je suis, qui n’est pas un homme du terrain pastoral, la seule question qui compte est : quel type d’Église sera le plus capable d’annoncer la nouveauté de Dieu au nouveau monde en voie d’éclore ? J’entends d’ici les cris d’effroi que suscite en beaucoup de lieux d’Église l’appel à la nouveauté. Qu’on se rassure : je ne plaide pas pour l’invention d’un Dieu nouveau, seulement pour la fidélité à la nouveauté du Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ et que je n’ai cessé d’interroger au long de ce livre.

Question soupçonneuse, je le concède, mais sur ce point également j’invite à ne pas s’inquiéter à l’avance : je sais bien, je l’ai montré un peu partout, que l’Église n’est pas restée en tout point fidèle au Dieu des origines chrétiennes, mais je ne le lui reproche pas, je comprends bien qu’elle a dû s’adapter au monde en évolution dans lequel elle cherchait à s’établir solidement, ce qui lui a imposé beaucoup de concessions ; je ne lui demanderai donc pas de détruire tout ce qui subsiste de ses structures mondaines, mais seulement de laisser advenir dans la nouveauté des temps qui viennent ce qu’elle a conservé de sa nouveauté originelle et qui serait plus propre à annoncer au monde de demain la perpétuelle « bonne nouvelle » de Jésus Christ. Je ne cherche pas, à supposer que j’en sois capable, à imposer une nouvelle forme d’Église « théoriquement » plus conforme à l’Évangile, je souhaite seulement qu’on laisse la place, à côté de ce qui subsiste du passé, à un nouveau type d’existence en Église auquel aspirent d’assez nombreux chrétiens, plus capable de garantir son avenir dans les nouvelles générations, plus conforme aux requêtes de Vatican II, et ensuite, « que le meilleur gagne » ! Mais il est urgent de faire place dès aujourd’hui à cette nouveauté, de lui laisser se trouver une place, sinon, si on s’y résout trop tard, le souvenir de Vatican II se sera estompé des mémoires et les jeunes générations se seront habituées à vivre sans rencontrer quelqu’un qui leur demande « que cherchez-vous ? » et à qui elles auraient envie de répondre « où demeures-tu ? » (Jn 1,38).

Dans le premier parcours de ce livre nous avons eu maintes fois l’occasion de mesurer l’écart entre les pratiques originaires du christianisme et celles de notre temps ; nous y trouverons le programme de recherches dont nous avons besoin. Puisque le baptême est incapable aujourd’hui de garantir la survivance de la foi chez ceux qui l’ont reçu, notre Église aura avantage à se doter de communautés de type catéchuménat, ou « initiatique », aptes à guider les baptisés, jeunes et moins jeunes, à la « suite » de Jésus ; — en se souvenant que les « repas du Seigneur » des premiers chrétiens étaient des temps de connivence fraternelle, ces communautés apprendraient à tenir table ouverte, à accueillir les exclus d’une religion plus rigide et à ne pas pratiquer elles-mêmes l’exclusion ; nous trouverons aussi matière à réfléchir à la « constitution hiérarchique » de l’Eglise en nous rappelant que le sacerdoce sacrificiel s’est installé tardivement dans un oubli total du caractère sacerdotal du peuple chrétien et de la liberté qu’il tient de l’Esprit Saint. Nous veillerons aussi à faire place, à quelque endroit de ces réflexions qui tracent un cadre plutôt qu’un plan de travail, aux nouvelles questions d’ordre éthique que se posent des chrétiens soucieux de vivre « selon l’Évangile » à propos, par exemple, des nouvelles techniques scientifiques, du réchauffement climatique, ou du rapport avec d’autres religions.

Toutefois, aux questions que pose, non exactement l’adaptation de l’Église à de nouvelles mœurs, mais bien la survie de la foi, de l’espérance et de l’existence chrétiennes dans des temps nouveaux qui sont déjà là, notre premier et fondamental souci sera de tirer nos réponses de la nouveauté de la révélation de Dieu dans l’événement de Jésus Christ. Choisir un certain type d’Église, c’est opter en faveur de l’identité du Dieu en qui nous croyons et que nous appelons Père. Les deux disciples de Jean n’osaient pas demander franchement à Jésus qui il était, lui qui venait apparemment prendre la place de leur maître, qu’ils croyaient être le messie attendu ; alors, ils lui ont simplement demandé « où habites-tu ? », pour que nous puissions nous faire une juste idée de toi à partir du lieu d’où tu viens. Puisque l’Eglise est en pleine mutation, dire comment nous souhaitons qu’elle soit, c’est d’avance dire quelle idée de Dieu nous habite, quel Dieu nous voulons annoncer au monde — de même que Jésus, décrivant en paraboles le Royaume de Dieu, révélait de la part de quel Dieu il venait, quel Dieu était son Père ; mais ses auditeurs ne l’ont pas écouté, car ils prétendaient connaître Dieu, eux, le Dieu du passé de leur peuple, alors que le Dieu de Jésus venait de l’avenir de l’homme.

Pour beaucoup de chrétiens, qui se comptent quand ils vont à la messe, le problème de l’avenir de l’Eglise tient au dépeuplement croissant de l’Église. Dans le langage officiel, ce dépeuplement est dû à la propagation de l’indifférence religieuse et de l’athéisme, et on ne pourrait y remédier que par des moyens surnaturels, tout ce qu’on met sous le nom de la « nouvelle évangélisation » : le retour à l’annonce de la foi, surtout à la tradition, au culte eucharistique, à la prière, aux sacrements. Il s’agirait donc de « revenir » au passé chrétien des pays anciennement évangélisés, ce qu’on entend souvent sous le nom de « conversion » : se retourner vers Dieu, revenir à lui, mais par les mêmes chemins au bout desquels nous l’avions reçu. Le problème du dépeuplement de l’Église devient alors celui du repeuplement du clergé, mais d’un nouveau clergé, remis sur les voies de la tradition pour la remettre en vigueur. C’est ce qui se passe sous nos yeux en plusieurs endroits : des prêtres jeunes ou moins jeunes, reconnaissables à leur tenue, issus le plus souvent de nouvelles congrégations ou de communautés charismatiques, prennent des paroisses en main et y remettent de l’ordre en chassant les laïcs, les femmes surtout, des fonctions qu’ils y remplissaient dans la liturgie, la catéchèse et autres services, pas complètement pourtant, car ils ne pourraient pas s’en passer, mais en les plaçant ostensiblement sous leur responsabilité, afin qu’il apparaisse clairement à nouveau que seul l’ordre sacré est le dépositaire des ministères et des rites sacrés, de l’enseignement et de la vie de la foi, de l’autorité et de l’organisation de l’Église. Les laïcs comprennent vite qu’ils sont remis à leur place, et le manifestent souvent et de plus en plus en s’éloignant d’eux-mêmes de l’Église, en sorte que les remèdes appliqués à ses maux réussissent à les aggraver : les paroisses restées ou redevenues traditionnelles, pour ne pas dire traditionalistes, gardent leur monde ou en retrouvent, les autres continuent à en perdre ou sont fermées, et de grands espaces urbains ou ruraux continuent à être vidés de présence évangélique. Là est le véritable mal, qui empêche l’Église de remplir la mission qui est sa raison d’être : aller au monde pour lui porter le salut, et non attendre que le monde vienne chez elle célébrer son salut — on a confondu la parole du salut avec le rite religieux. Et puisqu’il n’y a plus assez de prêtres, et que tout indique qu’il y en aura de moins en moins, le remède ne serait-il pas plutôt de disséminer l’Église : d’inviter les chrétiens à exister ailleurs que dans des lieux de culte ou officiellement d’Église, à installer des communautés de vie et d’annonce évangélique dans le monde où ils vivent déjà, et à aller chercher chez eux et ramener vers soi les gens qui ont besoin de salut ?

Les problèmes de salut auxquels l’Église doit et devra de plus en plus faire face sont souvent et seront de plus en plus des problèmes humains, de souffrance humaine. Rappelons-nous le drame, évoqué par le pape, des familles qui se désagrègent et entraînent dans leur chute la société entière dont elles sont le pilier et la structure. Pensons-nous sérieusement que ce drame est lié essentiellement au divorce, à l’adultère, à la frénésie du plaisir sexuel et que son remède serait le retour aux règles, mœurs et vertus de la famille patriarcale ? Ce serait ne rien connaître de l’évolution historique des sociétés et des conditionnements économiques, financiers, politiques de la vie moderne. La rupture du lien familial commence très tôt avec l’émancipation des jeunes de l’autorité parentale ; il existe maintenant un monde de jeunes qui vivent entre eux, sans forcément quitter la famille, dont ils continuent longtemps à avoir besoin, mais qui font ensemble l’apprentissage de la vie et inventent leur avenir, car ils n’attendent plus et ne doivent plus attendre qu’il leur soit remis clef en main par la famille ; leur milieu de vie est désormais l’école, l’université, le laboratoire, l’atelier, leur regard est tourné vers le monde où ils doivent se faire une place, les examens et les concours les initient à la lutte pour la vie ; il ne peut pas être question pour eux de fonder un foyer, alors que la promiscuité, maintenant générale, entre garçons et filles, privés de l’intimité de la vie familiale, facilite la formation de couples, qui ne peuvent pas être envisagés dans une perspective de longue durée, qui ne seront pourtant pas sevrés de relations sexuelles, dont la fécondité devra être évitée, ce qui pourra poser un jour l’éventualité d’un avortement ; le mariage, quand il aura lieu, subira fatalement les épreuves de cette longue initiation aux libertés du compagnonnage, ce qui explique la fréquence des ruptures précoces du premier lien conjugal et les remariages, les soupçons d’adultère et les disputes qui s’ensuivent, les interruptions de grossesse, les difficultés des familles disloquées et recomposées, qu’aggravent souvent le chômage et la pauvreté ; plus tard viendront les empêchements à prendre soin des vieux parents malades ou impotents et l’angoisse d’accompagner la fin de leur vie. Tous ces problèmes sont d’ordre humain et sollicitent des secours de même ordre.

Mais l’Église ne sait que brandir la loi de Dieu, la menace du péché et de ses sanctions ; elle ne sait même pas reconnaître la large part de responsabilité qu’elle a de cet état de choses, du temps où elle faisait à ses prêtres (le fait-elle encore ?) l’obligation grave de contrôler la vie sexuelle des fidèles et la fécondité des couples mariés, et demandait aux parents de ne pas abriter les amours illégitimes des jeunes ou de ne pas recevoir chez eux un fils divorcé et remarié ; aussi est-elle bien incapable de porter un remède efficace à la crise de la famille. Et n’oublions pas les graves menaces qui pèsent sur l’avenir de l’humanité et qui alimentent les maux de la société et les désordres familiaux : le chômage qui décourage les jeunes et déstabilise les jeunes foyers, la paupérisation qui gagne les classes moyennes et accroît les inquiétudes de l’âge de la retraite, les guerres et les troubles politiques qui déciment des populations entières et jettent des milliers de victimes sur les routes de l’exil à la recherche d’une terre d’asile dont l’accès leur est parcimonieusement ouvert et souvent interdit, et pensons encore aux troubles climatiques annonciateurs de catastrophes et de vastes migrations. Toutes ces menaces mettent en cause la survie de l’humanité mais s’agit-il de son salut ? L’Église a l’habitude de parler du salut de l’âme et du salut éternel, non de celui des corps ni du salut temporel des sociétés. Elle ne connaît guère de remèdes que surnaturels : fuir le péché et les châtiments dans l’autre vie, pour cela obéir à la loi de Dieu, le prier, et se consoler à la pensée du ciel. Cela suffira-t-il à écarter les maux qui nous menacent et dont les causes relèvent de stratégies internationales, de décideurs lointains, inconnus ou collectifs ? Les papes récents ont donné sur tous ces sujets des instructions pertinentes, qui ont éduqué la conscience des catholiques et n’ont pas laissé indifférents des responsables politiques et économiques, sans empêcher pourtant l’aggravation de ces menaces. Le pape François a dernièrement traité des questions écologiques avec des propos et des accents qui ont retenu l’intérêt et suscité la sympathie de nombreuses personnes, mais aussi provoqué la colère d’esprits chagrins qui demandaient de quoi il se mêlait. Mais pouvons-nous en toute quiétude laisser les papes se saisir seuls de phénomènes dont les préalables échappent aux connaissances et aux prises de la plupart des individus, alors que leurs effets néfastes se font sentir partout autour de nous ? Avons-nous quelque moyen d’y remédier ? Oui : procurer aux personnes qui souffrent de ces maux l’aide à notre portée, avec peut- être le concours de quelques autres, et surtout les entourer de notre sympathie, les écouter parler de ce dont elles souffrent et de ce qui les préoccupe, leur montrer que nous nous y intéressons, les agréger à un groupe qui les soutiendra au moins moralement, qui leur rendra courage et espoir. Cette assistance ne suffira pas à changer leurs conditions matérielles d’existence, elle aidera néanmoins ceux qui en sont victimes à les supporter parce qu’ils ne seront plus seuls à en porter le poids : ils auront été réintégrés par ces entretiens dans le circuit des communications entre membres de la communauté humaine.

En quoi cette assistance mérite-t-elle d’être considérée en tant qu’annonce de l’Évangile, et comment s’exercera-t-elle en tant que service d’Église ? Les remèdes d’ordre humain relèvent-ils de l’Évangile et sont-ils du ressort de l’Église ?

Rappelons-nous Jésus se présentant aux foules en homme « doux et humble de cœur », chargé de nos maladies et de nos infirmités », envoyé par l’Esprit Saint « libérer les captifs et rendre la vue aux aveugles » envoyant à son tour ses apôtres à travers le monde pourvus de la même puissance de l’Esprit pour accomplir les mêmes signes de la venue du royaume de Dieu, en leur disant que son Père a « aimé le monde »  pécheur depuis les origines, au point d’envoyer son Fils, non le « juger », c’est-à-dire le punir et le remettre sous la Loi, mais le « sauver » . Le sauver de quoi ? De la mort éternelle, assurément, mais d’abord de tout ce qui est destructeur de l’humanité de l’homme : l’insouciance des autres, l’oubli du secours mutuel, le manque de fraternité, le refus du partage, toute atteinte à la dignité et à la liberté d’autrui et à la joie du vivre-ensemble. Relisons la parabole du père de l’enfant prodigue, opposant l’accueil joyeux du père à la raideur du fils aîné qui refuse de prendre part à la fête des retrouvailles, ou celle du bon samaritain qui met en contraste la compassion d’un étranger hérétique pour un blessé et la répulsion à son endroit d’hommes religieux soucieux de préserver leur pureté rituelle ; pensons encore à tant de paraboles du royaume de Dieu évocatrices de festivités humaines, celle d’un banquet ouvert à tout venant ou celle, plus intime, où le maître de maison attend ses invités pour les servir à sa table ; relisons aussi les enseignements de Paul, saluant dans la résurrection de Jésus la naissance d’une humanité réconciliée avec elle-même et exhortant les fidèles de ses communautés à se supporter mutuellement, à porter les fardeaux les uns des autres, et à ne pas faire injure à la liberté à laquelle le Christ les avait appelés ; rappelons-nous surtout la dernière image que Jésus a tenu à nous laisser de lui dans l’attente de son retour, celle du lavement des pieds des disciples et du partage du pain avec eux : ce serait dénaturer le sens de ces images et la portée de ces leçons et de ces promesses que de les traduire exclusivement en termes de devoirs religieux et d’en rejeter l’accomplissement dans l’éternité, en oubliant que Jésus voyait déjà le royaume de Dieu venir et rassembler auprès de lui les malades qui lui demandaient de les guérir et les pécheurs qui le recevaient à leur table.

Abandonnée dans nos régions par la plus grande partie des chrétiens qui la fréquentaient, manquant de prêtres qu’elle réserve au service des besoins religieux de ceux qui lui sont restés fidèles, l’Église ne doit pas s’estimer quitte du devoir d’aller au monde, il lui reste pour cela la ressource de mettre en œuvre le sacerdoce du peuple de Dieu, celui des laïcs, car c’est ce peuple en entier qui est chargé de cette mission, d’où dépend la vie de l’Église. Elle doit donc inviter les laïcs à annoncer l’Évangile au monde, les autoriser à se réunir et à s’organiser entre eux à cette fin, leur laisser toute liberté pour cela, accepter de disséminer les communautés chrétiennes pour jeter partout à l’entour des semences d’Évangile. Et les évêques, les prêtres et les diacres participeront pleinement à cette œuvre d’évangélisation, pas vraiment nouvelle si ce n’est revenue à ses origines, en allant visiter ces communautés éparses, les former, les instruire, les encourager, comme les apôtres des premiers temps allaient visiter les petits groupes de chrétiens épars dans le monde païen, pour renforcer leurs liens à l’Église universelle, engranger la moisson jaillie des semences qu’ils avaient jetées en terre. Ainsi s’était répandue au commencement de maison en maison la parole de Dieu, et les apôtres se réjouissaient de la voir d’avance traverser les mers et passer d’un pays à un autre. De la même façon se fera la nouvelle évangélisation, se répandra la semence de l’humanité nouvelle, celle que le Dieu des hommes avait faite à son image, jetée dans l’univers, et qui a germé en mettant au monde l’Homme nouveau, une semence de tendresse humaine, de fraternité, qui germe en nouvelles pousses et s’étend de liens d’amitié en liens d’unité, pousses fécondées et liens resserrés par l’amour de Dieu qui répand sa vie dans toute l’humanité et la rassemble en royaume de Dieu. Faute de cet amour, source de dignité et de vraie liberté, l’humanité se dégrade et se désagrège dans des sociétés désarticulées : l’ensemencement de l’Évangile sera œuvre d’humanisation de l’homme par l’homme, « l’œuvre » du Père confiée à Jésus.

La « Réforme » concerne tous les disciples de Jésus-Christ

Les récentes célébrations du  500ème anniversaire de la Réforme ont souvent réuni des représentants de plusieurs Églises chrétiennes. En effet, l’acte fondateur par lequel Luther s’est opposé aux dérives de l’Église de son temps concerne tous ceux qui se réclament de la foi en Jésus-Christ. Ainsi, oubliant les anathèmes du passé, le Pape François souhaite « déceler et assumer tout ce qui était positif et légitime dans la Réforme » (1).

Toute démarche de foi qui ne veut pas rester lettre morte doit s’incarner dans des groupes humains qui instituent des règles de fonctionnement, des liturgies et un énoncé commun de la foi. Le danger mortel pour la foi est que ces institutions, reflets des caractéristiques du temps et de l’espace où elles ont été conçues, deviennent la finalité de la démarche spirituelle au lieu d’en être qu’un des moyens. C’est le danger du cléricalisme à propos duquel Pierre Pierrard, professeur d’histoire à l’Institut catholique de Paris, écrivait ceci : « Actuellement, beaucoup de chrétiens souscriraient à la réflexion de Tommy Fallot, fondateur du Christianisme Social : Dieu seul est laïque ; hélas, l’homme souffre de maladies religieuses, cléricalement transmissibles » (2).

En affirmant, dans le chapitre 3 de l’Epître aux Romains, que la foi en Dieu peut justifier aussi bien les circoncis que les incirconcis, Paul relativise toutes les institutions ecclésiastiques. Il place au cœur du christianisme la démarche du croyant avant les appartenances institutionnelles. En langage chrétien,  nul ne peut faire partie du Royaume s’il ne renaît de l’Esprit. L’Évangile refuse de faire de la géographie ou de la généalogie d’un être humain un destin. S’y enfermer conduit non seulement aux aberrations personnelles mais à la violence. A ceux pour qui la filiation abrahamique constituait en soi une justification, le Christ ne cesse de rappeler que le donné de l’histoire ou de la géographie ne saurait constituer quelque privilège que ce soit :« Ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : « nous avons pour père Abraham ». Car je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham » (Mt 3, 9-10).

L’universalité de la grâce invite chacun à recevoir et assumer ce qu’il a d’unique et non à rêver de conquêtes institutionnelles. Nous sommes tous fondamentalement minoritaires. L’humanité se construira par des relations entre des hommes s’assumant uniques et différents, en cela “ fils d’un même Père ” et non par la construction d’une tour de Babel religieuse, politique ou économique. Le pluralisme des Églises interdit à chacune de s’égaler à la totalité du Corps mystique du Christ. Si le désir d’unité des chrétiens, et plus généralement de l’humanité nous habite, il ne saurait conduire à l’enfermement dans une structure qui se définirait en quelque sorte comme la fin de l’histoire. Toutes les Églises sont provisoires et n’ont de sens que comme éducatrices de l’homme à l’accueil de l’Evangile. Comme l’écrit le théologien dominicain Christian Duquoc dans son  Essai d’ecclésiologie œcuménique intitulé Des Églises provisoires, « le provisoire qualifie le fait que les Églises sont historiques et donc mortelles, il n’est pas un jugement péjoratif (…) Le provisoire désigne la condition de l’innovation, de la création continue, de la présence aux situations changeantes ; il s’oppose à l’entêtement dans la volonté d’arrêter l’instant, la mobilité des formes ou la mortalité des relations » (3).

Le travail de Réforme est une veille nécessaire et permanente dans toutes les Églises pour qu’elles gardent la distance avec les buts qu’elles prétendent servir au lieu de s’égaler à ces buts et de les coloniser.

Bernard Ginisty

(1) Pape François, Discours du 31 mars 2017 aux participants d’un colloque sur Martin Luther organisé par le Comité pontifical des sciences historiques.

(2) Pierre Pierrard, Anthologie de l’humanisme laïque de Jules Michelet à Léon  Blum, éditions Albin Michel, 2000, p. 12. Pierre Pierrard (1920-2005)  était un historien spécialisé dans les relations des Églises avec la modernité. Il a été président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France de 1985 à 1999.

(3) Christian Duquoc (1926-2008), Des Églises provisoires. Essai d’ecclésiologie œcuménique, éditions du Cerf,  1985, p. 99.

Source

Je rêve d’une Eglise joyeuse

Je rêve d’une Église joyeuse et libre
Qui ne s’enferme dans ses propres certitudes, ses traditions et ses lois,
Mais qui se laisse emporter par le vent de l’Esprit
Et ne se lasse jamais de contempler et de proclamer
La Bonne Nouvelle du Ressuscité.

Je rêve d’une Église humble et servante,
Qui renonce aux titres pompeux d’une époque révolue
Et qui tire sa fierté d’être une communauté de frères et soeurs,
Tous et toutes disciples du Christ
Et témoins de son amour pour le monde.

Je rêve d’une Église collégiale,
Riche et heureuse de la diversité de ses communautés locales.
Je rêve d’une Église qui ose s’alléger du poids des siècles
Et faire place à toutes les ressources des communautés,
Dans une responsabilité pleinement partagée
Entre prêtres et laïcs, entre hommes et femmes,
Dans toutes les instances et tous les ministères.

Je rêve d’une Église, de notre Église,
Qui ose sortir de sa tour d’ivoire
Et dire une parole forte et sans complaisance
Pour interpeller les dirigeants et les puissants de ce monde
Sur les grands enjeux de société et sur l’avenir de notre planète.
N’aurions-nous rien à dire comme Église
À un gouvernement va-t-en-guerre
Ou à cet autre qui prône une austérité tous azimuts,
Qui affectera encore et toujours les plus vulnérables ?
Pouvons-nous rester muets
Sur les interminables conflits du Proche-Orient,
Sur les haines raciales et les croisades de terreurs qu’on mène au nom de Dieu ?
Pouvons-nous rester muets sur l’appétit insatiable des pétrolières et des multinationales
Qui s’enrichissent sur le dos des peuples en voie de développement
Et exploitent sans aucune honte les ressources de leurs pays ?

La tâche qui nous incombe est immense et vertigineuse.
Mais celle des Apôtres et des premières communautés ne l’était pas moins.
Puisse l’Esprit de Pentecôte,
Ce vent qui secoue les murs de la peur et des préjugés,
Ce feu qui réchauffe et embrase les cœurs,
Nous mener partout sur les routes du monde,
Pour semer la Parole du Ressuscité,
Parole de salut, de réconfort, de justice et de paix.

Amen.

Source

Je rêve d’une église joyeuse

Les femmes dans l’Eglise catholique

Il faut être prudent de ne pas analyser la place de la femme dans l’Eglise et dans la société avec des textes d’autrefois et la mentalité d’aujourd’hui. Dans le passé les écrits et la manière de considérer les femmes ne tournaient guère à leur avantage. Pensons par exemple à St Augustin qui disait : « Selon l’ordre de la nature, il convient que la femme soit au service de l’homme, car ce n’est que justice que le moins doué soit au service du plus doué » mais aussi, dans notre décennie, un ecclésiastique bien connu qui a dit lors d’une émission de radio : « Ce qui est le plus difficile, ce n’est pas d’avoir une jupe, encore faut-il avoir quelque chose dans la tête ». Globalement les mentalités ont changé. Dans la société les lois aussi, ce qui n’est pas le cas dans l’Eglise.

Avant le Concile Vatican II

Il y eut pourtant de la résistance face à l’émancipation des femmes. C’est ainsi que Pie XII, en 1944 disait encore, lors d’une allocation à de jeunes mariés : « Nous savons bien que, de même que l’égalité dans les études, les écoles, les sciences, les sports et les concours fait monter dans bien des cœurs de femmes des sentiments d’orgueil, ainsi votre ombrageuse sensibilité de jeunes femmes modernes ne se pliera peut-être pas sans difficulté à la sujétion du foyer domestique. Nombre de voix autour de vous vous la représenteront, cette sujétion, comme quelque chose d’injuste ; elles vous suggéreront une indépendance plus fière, vous répéteront que vous êtes en toutes choses les égales de vos maris et que sous bien des aspects vous leur êtes supérieures. Prenez garde à ces paroles de serpents, de tentations, de mensonges : ne devenez pas d’autres Ève, ne vous détournez pas du seul chemin qui puisse vous conduire, même dès ici-bas, au vrai bonheur ».

Les évolutions depuis le Concile Vatican II

Avec Jean Paul II le discours a évolué. Il ne parle plus de la femme tentatrice, en pensant à Eve, mais lui propose comme modèle Marie, dans son encyclique Mulieris Dignitatem : «  L’Église voit en Marie la plus haute expression du « génie féminin » et trouve en elle une source d’inspiration constante. Marie s’est définie elle-même « servante du Seigneur ». C’est par obéissance à la Parole de Dieu qu’elle a accueilli sa vocation privilégiée, mais pas du tout facile, d’épouse et de mère de la famille de Nazareth. En se mettant au service de Dieu, elle s’est mise aussi au service des hommes: service d’amour. Dans cette perspective de « service », il est aussi possible d’accueillir une certaine diversité de fonctions, sans conséquences désavantageuses pour la femme, dans la mesure où cette diversité n’est pas le résultat d’un ordre arbitraire, mais découle des caractères de l’être masculin et féminin. C’est une affirmation qui a aussi une application spécifique à l’intérieur de l’Église ».

Et dans sa lettre aux femmes du 29 juin 1995, il propose spécifiquement aux femmes un « principe marial » et aux hommes un « principe apostolique et pétrinien ». Cette spécification se trouve en contradiction directe avec l’énoncé des valeurs et droits universels et s’oppose à ce qui paraît être aujourd`hui attaché au génie propre d’un nouveau rapport d’égalité, de coresponsabilité et d’inter-échange entre les sexes. Et il insiste « Si le Christ, en instituant l’Eucharistie, l’a liée d’une manière aussi explicite au service sacerdotal des Apôtres, il est légitime de penser qu’il voulait de cette façon exprimer la relation entre l’homme et la femme, entre ce qui est «féminin» et ce qui est «masculin», voulue par Dieu tant dans le mystère de la Création que dans celui de la Rédemption. Dans l’Eucharistie s’exprime avant tout sacramentellement l’acte rédempteur du Christ-Epoux envers l’Eglise-Epouse. Cela devient transparent et sans équivoque lorsque le service sacramentel de l’Eucharistie, où le prêtre agit «in persona Christi», est accompli par l’homme. » Quelques mois plus tard, une note de la Congrégation pour la doctrine de la foi, signée du Cardinal Ratzinger, précise que cette position engage l’infaillibilité du magistère sur une doctrine d’exclusion des femmes de l’ordination à la prêtrise, qui est présentée comme appartenant au dépôt de la foi et exigeant un assentiment définitif. Le pape François, tout en parlant aussi du génie féminin, exclut toute possibilité d’accession à la prêtrise pour les femmes.

Limites et impasses de la position actuelle

Tous ces préjugés reposent sur la croyance en un déterminisme biologique des rôles. La différence entre les sexes est prise comme référence absolue pour asseoir l’idée selon laquelle il y aurait deux humanités spécifiques, masculine et féminine, tout comme on a cru longtemps que les différences ethniques créaient des races différentes. Cette pensée porte un nom : le différentialisme ; elle a permis par le passé et permet encore de maintenir d’innombrables discriminations en créant des catégories où l’une est toujours supérieure à l’autre : maîtres et esclaves, noirs et blancs, riches et pauvres, hommes et femmes.

Les femmes dans l’Église catholique sont toujours « inaptes », à exercer la cure d’âmes, à prêcher, à enseigner, à sanctifier, à gouverner. Mais l’essentiel est de tout faire pour que les femmes puissent effectivement assumer à part entière des responsabilités d’Eglise. Faute de quoi, en dépit des plus belles déclarations sur l’égalité de tous les baptisés dans le Peuple de Dieu, sur la nécessaire participation des femmes dans la société et la mission de l’Eglise, sur la non-supériorité des ministres, I’Eglise renoncerait à sa nature profonde et à sa mission sacramentelle de «signe levé devant les nations».

Georges Heichelbech

DIEU EST IL UN ASSASSIN ?

La première page de Charlie hebdo de cette semaine, spécial anniversaire, représente un  barbu, habillé d’une gandoura, qui se sauve à toutes jambes. Il est armé d’une kalachnikov et possède des attributs  divins caricaturaux (le Dieu barbu du moyen âge surmonté du triangle à la fois   trinitaire et franc maçon…etc) Une phrase explicite le sens de cette caricature « une année après l’assassin court toujours ».Il s’est trouvé des chrétiens pour se scandaliser de cette représentation.

Je me demande comment on peut manquer à ce point du sens de l’humour pour s’offusquer d’un tel dessin et de son commentaire.

D’abord  comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire le dieu ainsi caricaturé n’est pas le Dieu de miséricorde et de paix ni de la Foi évangélique ni de la Foi musulmane  authentiques. Mais il  s’agit bien ,hélas,  d’une croyance en un Dieu violent et agressif, invitant à la guerre sainte ou à la croisade voire à l’assassinat pur et simple de ceux qui le dénoncent. Et ce Dieu a exercé des ravages dans l’esprit et les pratiques millénaires des religions dominatrices. Les guerres de religion sont parmi les plus inhumaines.

Ensuite je ferai remarquer que des idéologies athées peuvent aussi agir selon le même  ressort que ces religions violentes :à savoir la certitude que l’on possède la vérité absolue, que nul n’a le droit de penser autrement que nous et que celui qui propose une autre approche de la vérité que la notre doit être éliminé, par la censure, la prison ou la mort.

En réalité cette caricature est riche  d’une pensé philosophique, spirituelle  et politique très sérieuse, comme c’est  le cas de l’humour qui ne  saurait se réduire à une grosse rigolade.Cette caricature nous dit que c’est le dieu que nous nous fabriquons et que nous nous approprions mentalement qui est violent, car il est la justification de nos propres haines à l’égard de l’autre que nous.

J’aime donc beaucoup cette première page du numéro anniversaire de Charlie Hebdo: elle dénonce non pas Dieu mais les fous de Dieu. De même que la grenade  dans le turban, du Prophète de la caricature danoise  ne  représentait pas le Prophète Mohammed mais l’idée que certains djihadistes s’en font.

Jean Riedinger, secrétaire de l’Observatoire Chrétien pour la laïcité (OCL)

Et Dieu bouda la femme

Lucetta Scaraffia, responsable du supplément « Femmes » de L’Osservatore romano, était l’une des 32 femmes invitées à participer au synode des évêques sur la famille, à Rome, du 4 au 25 octobre. Pour « Le Monde », elle relate de façon piquante ce travail parmi les hommes d’Eglise. Voici son récit.

Combien de fois me suis-je répété, au cours de ces trois semaines de synode, pour réfréner l’impatience rebelle qui m’assaillait : au bout du compte, ils m’ont invitée – et ils m’ont même laissée parler. Moi, une « féministe historique », pas franchement diplomate ni patiente. Ils l’ont sûrement remarqué.

Pour une femme comme moi, qui a vécu Mai 68 et le féminisme, qui a enseigné dans une université d’Etat et participé à des comités et à des groupes de travail en tous genres, cette expérience-là fut vraiment inédite. Parce que, même s’il m’est arrivé, quand j’étais jeune et que les femmes étaient encore rares dans certains milieux culturels et académiques, de me retrouver la seule au milieu d’un groupe d’hommes, ces hommes-là au moins s’y connaissaient un peu : ils étaient mariés ou avaient des filles.

Ce qui m’a le plus frappée chez ces cardinaux, ces évêques et ces prêtres, était leur parfaite ignorance de la gent féminine, leur peu de savoir-faire à l’égard de ces femmes tenues pour inférieures, comme les sœurs, qui généralement leur servaient de domestiques. Pas tous évidemment – j’avais noué, avant même le synode, des liens d’amitié avec certains d’entre eux –, mais pour l’immense majorité, l’embarras éprouvé en présence d’une femme comme moi était palpable, surtout au début. En tout cas, aucun signe de cette galanterie habituelle que l’on rencontre encore, notamment chez les hommes d’un certain âge – dont ils font partie. Avec la plus grande désinvolture, ils me barraient la route dans les escaliers et me passaient allègrement devant au buffet durant les pauses-café. Jusqu’à ce qu’un serveur, ayant pitié de moi, me demande ce que je voulais boire…

Puis, quand nous avons commencé à mieux nous connaître, en particulier durant les sessions de travail en petits groupes, les autres ecclésiastiques m’ont peu à peu témoigné de la sympathie. A leur manière, bien sûr : j’étais considérée comme une mascotte, toujours traitée avec paternalisme, même s’il leur arrivait d’avoir mon âge, voire d’être plus jeunes que moi.

Depuis mon arrivée, tout semblait avoir été conçu pour que je me sente comme une étrangère : malgré mes badges d’accréditation, j’étais soumise à des contrôles inflexibles. On tenta même de réquisitionner ma tablette et mon téléphone portable. A chaque fois, on me prenait pour une autre : pour une journaliste dans le meilleur des cas ou pour une femme de ménage. Puis ils ont appris à me connaître, et à me traiter avec respect et amabilité. Quand, après trois ou quatre jours, les gardes suisses en uniforme chargés de surveiller l’entrée se sont mis au garde-à-vous devant moi, j’étais au septième ciel !

Ma présence, pourtant, n’était que tolérée : je ne « pointais » pas avant chaque séance de travail comme les pères synodaux, je n’avais pas le droit d’intervenir, sinon à la fin, comme on le concédait aux auditeurs, et il ne m’était pas non plus permis de voter. Même dans les séances en petits groupes. Non seulement je n’avais pas le droit de voter, mais il m’était interdit de proposer des modifications au texte soumis au débat. En théorie, je n’aurais même pas dû parler. Mais de temps à autre, on daignait me demander mon avis ; il m’a fallu du courage, mais j’ai commencé à lever la main et à me faire entendre. A la dernière réunion, j’ai même réussi à suggérer des modifications ! Bref, tout contribuait à ce que je me sente inexistante.

Chacune de mes interventions tombait à plat. Un jour, par exemple, j’ai voulu rappeler qu’au dix-neuvième chapitre de l’Evangile selon saint Matthieu, Jésus parlait de « répudiation » et non pas de « divorce » et que, dans le contexte historique qui était le sien, cela signifiait « répudiation de la femme par le mari ». Aussi l’indissolubilité que défendait Jésus n’est-elle pas un dogme abstrait, mais une protection accordée aux plus faibles de la famille : les femmes. Mais ils ont continué à expliquer que Jésus était contre le divorce. J’aurais tout aussi bien pu ne rien dire ; je parlais dans le vide.

« Si elles entrent, on est foutus »

J’ai bien essayé de partager mes impressions avec les quelques autres femmes présentes au synode, mais elles me regardaient toujours avec étonnement : pour elles, ce traitement était tout à fait normal. La plupart n’étaient là qu’en tant que membre d’un couple – au moment des interventions de clôture, j’ai entendu d’improbables récits de mariages narrés de concert avec le mari. La seule à échapper à ce climat de démission était une jeune sœur combative qui avait découvert, au cours d’un échange avec le pape, que les quatre lettres que son association lui avait envoyées – pour réclamer plus d’espace pour les religieuses – n’étaient jamais parvenues au pontife. Je compris que les sœurs, étant nombreuses, bien plus nombreuses que les religieux, faisaient peur : si elles entrent, me disait-on, nous serons écrasés. Il valait donc mieux faire comme si elles n’existaient pas…

Sous mes yeux curieux et ébahis, l’Eglise mondiale a pris corps et identité. C’est certain, il y a des camps distincts, entre ceux qui veulent changer les choses et ceux qui veulent simplement défendre ce qui est. Et l’opposition est très nette. Entre les deux, une sorte de marais, où l’on s’aligne, où l’on dit des choses vagues et où l’on attend de voir comment va évoluer le débat. Le camp des conservateurs assure aux pauvres fidèles que suivre les normes n’est pas un fardeau inhumain parce que Dieu nous aide par sa grâce. Ils ont un langage coloré pour parler des joies du mariage chrétien, du « chant nuptial », de « l’Eglise domestique », de « l’Evangile de la famille » – en somme, d’une famille parfaite qui n’existe pas, mais dont les couples invités devaient témoigner en racontant leur histoire. Peut-être qu’ils y croient. En tout cas, je ne voudrais pas être à leur place.

Il y a plus de nuances dans le camp des progressistes. Les plus audacieux vont jusqu’à parler de femmes et de violence conjugale. On les distingue facilement parce qu’ils invoquent sans cesse la miséricorde. Naturellement, les familles parfaites n’ont pas besoin de miséricorde. « Miséricorde » a été le mot-clé du synode : dans les groupes de travail, les uns luttent pour le supprimer des textes, les autres le défendent avec vigueur et cherchent au contraire à le multiplier. Au fond, ce n’est pas très compliqué. Je m’étais imaginé une situation théologiquement plus complexe, plus difficile à déchiffrer de l’extérieur.

Mais peu à peu j’ai compris qu’un changement profond était à l’œuvre : accepter que le mariage soit une vocation, à l’image de la vie religieuse, est un grand pas en avant. Cela signifie que l’Eglise reconnaît le sens profond de l’Incarnation, qui a donné valeur spirituelle à ce qui vient du corps, et donc aussi à la sexualité considérée comme un moyen spirituel, que ce soit dans la chasteté ou dans la vie conjugale. L’insistance sur la vraie intention de la foi, sur la préparation au sacrement est également très importante : c’en est fini de l’adhésion de façade, sans un choix en conscience. Le grand précepte de Jésus, selon lequel seule compte l’intention du cœur, entre progressivement dans la vie pratique. Et cela veut dire que nous avançons de façon significative dans la compréhension de sa parole. Dans les milliers de polémiques sur la doctrine ou sur la normativité, rien de tel ne semble exister, mais à y regarder de plus près, le changement est perceptible, et il est sans aucun doute positif.

Un peu de catéchisme avant les noces

Durant les longues heures de débat de l’assemblée, j’ai observé, fascinée, l’élégance des ecclésiastiques : tous « en uniforme », avec leurs soutanes cousues de violet ou de rouge, leurs calottes aux mêmes couleurs, et pour certains leurs chapes élaborées avec de longs fils cousus de boutons colorés. Les Orientaux arborent des coiffes de velours brodées d’or ou d’argent, de hauts chapeaux noirs ou rouges. Le plus élégant de tous porte une longue tunique violette – je découvrirai à la fin qu’il s’agit d’un évêque anglican. Parfois, de loin, un dominicain en tunique blanche est pris pour le pape, qui, démocratiquement, se joint à nous à la pause-café.

C’est vrai qu’ils viennent de tous les coins du monde, c’est vrai aussi que l’Eglise est catholique ; en général, les évêques des pays anciennement colonisés parlent la langue de l’ancien conquérant : le français, l’anglais, le portugais. Ceux qui viennent d’Europe de l’Est parlent l’italien. Je réalise combien sont nombreux les évêques en Inde et en Afrique. Chacun représente un morceau d’histoire et de réalité, qu’ils parlent de difficultés concrètes ou se contentent de tirades théoriques en faveur de la famille.

Et je découvre ainsi que les défenseurs les plus rigides de la tradition sont ceux-là mêmes qui vivent dans les pays où la vie est la plus difficile pour les chrétiens, comme les Orientaux, les Slaves ou les Africains. Ceux qui ont connu les persécutions communistes proposent de résister avec la même rigueur et la même intransigeance aux charmes de la modernité ; ceux qui vivent dans des pays tourmentés et sanglants où l’identité chrétienne est menacée pensent que c’est seulement en étant ferme sur les règles que l’on peut défendre la religion contre les menaces dont elle fait l’objet.

Hormis quelques rares exceptions, qui ont ma préférence, tous parlent un langage autoréférentiel, presque toujours incompréhensible pour qui n’appartient pas au petit cercle du clergé : « affectivité » pour dire « sexualité », « naturel » pour « non modifiable », « sexualité mature », « art de l’accompagnement »… Presque tous sont convaincus qu’il suffit de bons cours de préparation au mariage pour surmonter toutes les difficultés et peut-être aussi un peu de catéchisme avant les noces.

Indissolubilité du mariage

Du monde réel pourtant, surgissent tant de situations diverses et complexes. En particulier la question des mariages mixtes qui se retrouve partout dans le monde. Les problèmes sont multiples et variés, mais il en est un qui surgit dans tous les cas : la religion catholique est la seule à poser l’indissolubilité du mariage. Et donc les pauvres catholiques se retrouvent souvent abandonnés et dans l’impossibilité de se remarier… Combien d’ecclésiastiques défendent avec fierté leurs familles traditionnelles sans penser que dans la majorité des cas il s’agit de situations qui pénalisent les femmes.

Mais les femmes sont quasi invisibles. Et quand je les évoque, avec force, dans mes interventions, me plaignant de leur absence alors même qu’il s’agit de débattre de la famille, on me trouve « très courageuse ». Me voilà applaudie, remerciée même parfois ; je suis un peu surprise, puis je comprends qu’en parlant clairement je les ai dispensés de le faire.

Portée par ce flot de sensations contradictoires – entre la colère suscitée par une évidente exclusion et la satisfaction d’être là tout de même – je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il était quand même extraordinaire, de nos jours, de participer à une assemblée qui s’ouvre avec le chant du Veni Creator Spiritus et se clôt sur le Te Deum. Mais c’est précisément pour cette raison que je souffre encore plus de l’exclusion injuste que subissent les femmes d’une réflexion qui, en principe, porte sur le rapport de l’humanité dans son ensemble, et donc des hommes et des femmes, avec Dieu.

Lucetta Scaraffia

Source : http://www.lemonde.fr/religions/article/2015/10/27/et-dieu-bouda-la-femme_4797401_1653130.html#JkDaulMpFguUMIl5.99