Liberté de conscience et liberté de religion

La Conférence des évêques canadiens vient de publier une lettre pastorale sur la liberté de conscience et de religion. On peut télécharger ce document, via le journal La Croix en cliquant ici.

Analysons ce document de 12 pages pour en relever les aspects positifs mais aussi les manquements.

Il est indéniable qu’un des aspects du problème de la liberté de religion est le fait de pouvoir pratiquer librement sa religion et le document fait bien de souligner que cela est loin d’être garanti à travers le monde.

On rappelle la déclaration de Benoît XVI dans son message à l’occasion de la Journée mondiale de la Paix 2011 « Il est douloureux de constater que, dans certaines régions du monde, il n’est pas possible de professer et de manifester librement sa religion, sans mettre en danger sa vie et sa liberté personnelle. En d’autres points du monde, il existe des formes plus silencieuses et plus sophistiquées de préjugés et d’opposition à l’encontre des croyants et des symboles religieux ». Et on ne peut qu’y souscrire.

Et on rappelle la déclaration du Concile Vatican II qui enseigne qu’une personne « ne doit pas être contrainte d’agir contre sa conscience, pas plus qu’elle ne doit être empêchée d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse (Dignitatis Humanae, n° 3).

C’est violer la liberté de conscience que d’essayer d’imposer à autrui sa conception de la vérité. Il faut constamment défendre et revendiquer le droit de professer la vérité, mais jamais sans le moindre mépris pour ceux et celles qui pensent autrement. « Nier à une personne la pleine liberté de conscience, et notamment la liberté de chercher la vérité, ou tenter de lui imposer une façon particulière de comprendre la vérité, cela va contre son droit le plus intime» Ceci a été déclaré par Jean Paul II dans son message pour la Journée mondiale de la Paix de 1991. On ne peut s’empêcher de dire « Que c’est beau ». Mais il faut tout de suite ajouter « Que ce serait encore plus beau, si l’Eglise catholique commençait par appliquer cela pour elle-même » Car vous viennent à l’esprit l’impressionnante liste des théologiens condamnés par l’Eglise catholique et la liste des exclus qu’elle fabrique elle-même : les prêtres mariés, les divorcés remariés, les homosexuels.

Mais en poursuivant le document, ce que je viens d’évoquer semble être hors sujet. On peut y lire « Si nous pensons que la liberté de suivre sa conscience revient à suivre son sentiment subjectif, nous oublions que cette liberté a pour orientation essentielle d’agir conformément à la vérité objective. Le droit d’agir selon sa conscience doit donc s’accompagner de l’acceptation du devoir de la conformer à la vérité et à la loi que Dieu a inscrite dans nos cœurs » Et si nous n’agissons pas selon cette « vérité objective », il nous faut éduquer notre conscience.

Qu’est ce que cette vérité objective ? On se réfugie derrière Dieu en disant que c’est celle que ce dernier a révélée. Mais si on regarde de très près, une bonne partie de cette vérité a été fabriquée par l’Eglise, qui prétend que c’est Dieu qui en a voulu ainsi. Quelques exemples : Le discours officiel prétend que c’est Dieu qui a voulu que la femme ne devienne pas prêtre ou que le prêtre reste célibataire. Utiliser une méthode de contraception, c’est aller contre la volonté de Dieu. Et on pourrait multiplier les exemples. Et au Katholikentag, l’évêque de Ratisbonne, Mgr Gehrard Ludwig Müller, proche du pape a déclaré que ceux qui mettent cela en cause font partie des gens qui n’obtenant rien de l’existence, s’accrochent aux événements, pour promouvoir une forme d’existence parasitaire.

Il n’y a qu’une vérité objective, c’est celle professée par l’Eglise catholique et il est tout a fait impossible de mettre sur un même pied d’égalité la vérité et l’erreur. Il s’agit d’un discours totalitaire, mais pas d’une reconnaissance effective de la liberté religieuse et de la liberté de conscience. Ces dernières ne se résument pas à avoir la liberté d’exercer sa religion et d’entrer en résistance contre un état qui met en place des centres d’interruption de grossesse. La liberté de conscience et la liberté de religion signifient que chacun a le droit de choisir sa religion ou de choisir de ne pas en avoir. Cela peut aussi signifier entrer en résistance à l’intérieur de l’Eglise catholique, comme le font par exemple les prêtres autrichiens et bien d’autres personnes,  quand la dignité humaine y est bafouée. Pensons à l’apartheid qui y est pratiquée vis-à-vis des femmes ou vis-à-vis des laïcs.

Je persiste et je signe : Vatican II se situe dans la discontinuité et la rupture par rapport à ce qui a précédé

Devant les membres de la Conférence épiscopale italienne réunis en assemblée plénière du 21 au 25 mai 2012, Benoît XVI a réaffirmé jeudi 24 mai 2012 son opposition à une lecture du Concile Vatican II selon « l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture ». Ce faisant, il a réaffirmé une nouvelle fois la ligne définie lors de son discours à la Curie romaine le 22 décembre 2005, considéré comme le programme de son pontificat. Ceci est relaté dans le journal La Croix du 25 mai 2012, mais cela ne sert à rien de donner la référence puisqu’il s’agit d’un document protégé.

Vatican II, continuité ou rupture? Tout dépend de la définition précise qu’on donne à ces mots. Si on dit que la continuité signifie que rien n’a changé, vous trouverez peu de personnes qui parleront de continuité. Si rupture signifie que l’Eglise d’après Vatican II n’a plus rien à voir avec celle d’avant Vatican II, on ne peut pas parler de rupture. L’Evangile et le Credo par exemple sont des références aussi bien d’avant que d’après Vatican II. Par contre lorsque les changements dans un certain nombre de domaines sont très profonds, il n’est plus possible de parler de continuité, on est donc obligé de parler de rupture.

La thèse dominante est que Vatican II est une rupture : le Concile a lancé une dynamique nouvelle et radicale, l’aggiornamento, à laquelle l’Église doit travailler en fidélité à un « esprit du Concile ». De l’autre côté, une autre thèse, jadis minoritaire mais montante, conteste l’idée que le Concile avait, dans ses gènes, le projet d’un changement profond. Cette thèse a grandi en force depuis l’arrivée aux commandes de Benoît XVI. Celui-ci participa au Concile comme expert. Pas question donc de renier son bébé. Le 22 décembre 2005, il prononce un discours dans lequel il édicte la juste interprétation. Il récuse l’idée d’une « rupture » dans l’histoire, même s’il s’agit de l’interprétation communément admise. Car, dit-il, il ne peut exister deux Églises, celle d’avant 1965 et celle d’après. Le pape propose son interprétation : celle de la « réforme », de la « nouveauté dans la continuité ». Pour lui, Vatican II ne devait être qu’un simple retour aux sources (à la Bible, aux Pères de l’Église), mais on serait allés trop loin, notamment dans la liturgie. Dans sa volonté de réécrire l’histoire, Benoît XVI évite pourtant de se confronter aux évidences qui font conclure à une révolution copernicienne : il suffit de penser à l’attitude de l’Église face au judaïsme, à sa réconciliation avec le protestantisme et l’orthodoxie, et surtout à son acceptation de la liberté religieuse.

On a effectivement assisté à une révolution copernicienne dans la façon dont l’Église se conçoit elle-même et envisage son rapport au monde, aux autres confessions chrétiennes et aux autres traditions religieuses. Avec la constitution Lumen Gentium, on passe d’une Église comprise comme société parfaite, dans une perspective juridique, à une Église communion, une communion d’Églises locales. De la conception pyramidale de l’Eglise, on est passé à la conception Eglise peuple de Dieu. Mais dès 1974 le théologien Ratzinger a mis en cause cette conception en disant qu’il s’agit d’une part d’une notion d’Ancien Testament et d’autre part d’une notion trop sociologique (cf son livre « Entretiens sur la foi »). Et d’ailleurs dans la même logique, il a désavoué, voire combattu la théologie de la libération.

Vatican II représente une rupture par rapport à ce qui a pu être enseigné auparavant quant au droit à la liberté religieuse. Durant des siècles, l’Église a été tentée de sacrifier les droits de la personne aux droits absolus de la vérité révélée. Vatican II affirme les droits imprescriptibles de la conscience humaine et reconnaît la liberté de ne pas croire. La conscience est un sanctuaire inviolable et la foi ne peut jamais résulter d’une contrainte. Mais la notion de liberté religieuse, actuellement on la vide complètement de son intuition d’origine. On met en avant que cela signifie que les états doivent garantir aux catholiques d’exercer leur religion, alors que la liberté religieuse signifie la liberté de choisir sa religion ou de choisir de ne pas en avoir du tout, ce que des théologiens de cour qualifient d’idée maçonnique à laquelle le Concile Vatican II n’a jamais pensé.

Le débat sur la bonne interprétation du Concile est un débat toujours ouvert. Certains veulent distinguer l’esprit du Concile et les textes. Il est vrai que les textes sont souvent ambigus. En effet, pour parvenir à la plus grande unanimité des pères conciliaires lors des votes, il est arrivé que l’on juxtapose le point de vue d’une minorité irréductible et celui de l’écrasante majorité. C’est le cas, par exemple, à propos du pouvoir épiscopal. Le Concile a juxtaposé le principe de la collégialité et l’autorité absolue du pontife romain. Il est donc souhaitable d’interpréter les textes en fonction de l’esprit qui animait tous les pères du Concile, celui d’une conversion de l’Église elle-même, dans sa fidélité à l’Évangile.

Sur l’année de la foi dans laquelle doit se célébrer le 50e anniversaire de l’ouverture de Vatican II, je me suis déjà exprimé (cliquer ici). Mais comment peut-on naïvement croire que les intégristes vont réintégrer l’Eglise catholique en acceptant Vatican II sans qu’on dise qu’il se situe dans la continuité de ce qui précède ? Et on oublie, ou on fait passer par pertes et profits, les milliers de croyants qui quittent l’Eglise catholique, parce qu’ils la jugent d’un autre âge et qu’elle ne correspond pas du tout à leurs aspirations de croyants ? N’est-ce pas une des caractéristiques d’une secte de s’imaginer être les seuls à être dans la vérité et que tous ceux qui ne la rejoignent pas vont à leur perte ? Faut-il que l’Eglise implose par elle-même avant que ses dirigeants comprennent cela ? Depuis le Katholikentag de dimanche dernier je sais qu’avec ce que je viens d’écrire, je fais partie des gens qui n’obtenant rien de l’existence, s’accrochent aux événements, pour promouvoir une forme d’existence parasitaire. Attention : il est interdit de rigoler ! Celui qui a dit cela le croyait vraiment et ceci est d’autant plus inquiétant.

Des indignés dans l’Eglise?

Devant le récent mouvement social des « indignés », encore incertain et difficile à juger, nous pouvons nous demander si, dans l’Église, il n’y a pas aussi des indignés. Nous ne trouvons certainement pas dans l’Église quelque chose de semblable à ce qui s’est passé sur la Plaza del Sol de Madrid. Il n’y a personne qui campe sur la Place Saint Pierre de Rome, il n’y a pas de pancartes qui disent « démocratie dans l’Église, maintenant » ou bien « le Christ, oui, l’Église, non » ; la garde suisse avec ses pittoresques uniformes n’a réprimé personne…

Il y a certainement dans l’Église des voix indignées comme celle de Hans Küng, des personnes et des forums qui expriment leur mécontentement, qui regrettent Vatican II, il y a des gens qui abandonnent l’Église, des groupes qui en Amérique Latine passent chez les Pentecôtistes ; on constate un schisme doux et silencieux de femmes, d’intellectuels et de jeunes, il y a du désenchantement et de l’indifférence chez beaucoup. Mais nous sommes une majorité silencieuse de fidèles qui souffrons en silence, qui travaillons, qui prions et qui attendons des temps meilleurs. Silence par lâcheté, par prudence ou par crainte ? Nous ne le savons pas.

Mais si nous creusons un peu, il y a toujours eu, en Israël et dans l’Église, une indignation éthique et religieuse, même si on ne les appelle pas « indignés » mais prophètes ou prophétesses.

Les prophètes d’Israël étaient les voix de l’indignation et de la dénonciation, face à l’idolâtrie du peuple et face à la corruption et l’injustice des rois. Jésus de Nazareth, quand il a expulsé les marchands du temple, n’était-il pas indigné parce qu’ils avaient transformé la maison du Père en un repaire de voleurs ? Les moines qui allaient au désert pour protester, François, Dominique, Catherine de Sienne, Ignace et Thérèse, ne voulaient-ils pas réformer l’Église de leur temps ? Plus récemment, des théologiens de la libération comme Boff et Sobrino, des théologiennes comme Yvonne Gebara et Lucia Ramôn ne sont-ils pas prophétiquement indignés-es par des réalités indignes et injustes ? Que furent en leur temps Jean XXIII, Romero, Helder Camara, Samuel Ruiz, Arrupe, sinon des prophètes ? Qu’y a-t-il derrière Desmond Tutu, Nicolas Castellanos, Buxarrais et le Cardinal Martini lui-même, sinon des voix prophétiques et des désirs de réforme ecclésiale ? Beaucoup de ces prophètes aussi ont été réprimés et condamnés au silence, ont souffert persécution et martyre. L’expulsion des marchands du temple a coûté à Jésus de Nazareth la condamnation à mort et la crucifixion. Nous, croyants, nous croyons que derrière ces mouvements sociaux de protestation, derrière ces voix prophétiques de l’Église, souvent mêlées d’ambiguïté, d’erreurs et de déviances qu’il faut en permanence discerner, il y a la présence de l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, celui-là même qui fait surgir la vie du chaos, celui qui a parlé par les prophètes, celui qui a accompagné la vie de Jésus de Nazareth, celui qui a fait naître l’Église et qui conduit l’histoire de l’humanité jusqu’à son achèvement dans le Royaume.

Que nous l’appelions indignation, prophétisme, contestation, réforme, opinion publique ou dissidence, au fond, c’est l’Esprit de Jésus qui est présent d’une manière silencieuse mais réelle sous ces mouvements.

Dans l’Église, nous tous les baptisés, nous participons au prophétisme du Christ ; il manquerait quelque chose d’essentiel à l’Église si disparaissait ou n’était pas prise en compte l’opinion publique de laïcs, de religieux et de religieuses, de ministres du Seigneur. C’est pour cela que Paul nous exhorte à ne pas éteindre l’Esprit, à ne pas mépriser ce que disent les prophètes, à tout examiner et à garder le meilleur (Tes 5, 19). Parce que l’Esprit renouvelle la face de la terre (Psaume, 103, 30).

Victor Codina Publication de Centro Nuevo Tierra,

Buenos Aires, Argentine Traduction de Daniel Hangouët

Cet article fait partie du dossier intitulé « La subversion évangélique » du numéro 53 de la revue « Les Réseaux des Parvis ». Pour découvrir la Fédération du Parvis, visitez le site des Réseaux du Parvis

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L’Évangile au rythme des hommes La Parole demeure, les Églises passent

Olivier Abel, Philosophe, professeur à la Faculté de Théologie Protestante de Paris

Interview accordée à la revue « Les Réseaux des Parvis » à paraître dans le n° 53 (1)

Que pensez-vous de la subversion des formes traditionnelles du protestantisme par les Églises évangéliques d’obédience pentecôtiste qui progressent partout ?

Ces Églises renvoient aux difficultés résultant d’une précarisation qui touche l’ensemble de la planète. L’ordre du monde est bouleversé par une profonde mutation des structures et des idéologies économiques, politiques et culturelles. Toutes les institutions en sont affectées, et notamment les grandes Églises trop habituées à s’imaginer inaltérables. Livrés à ces changements, les individus se trouvent d’autant plus déstabilisés qu’ils sont socialement plus fragiles. La religion apparaît alors comme une planche de salut aux personnes et aux catégories sociales les plus malmenées, comme un refuge capable de les sauvegarder. Réduite à sa forme la plus élémentaire, décrochée du passé et véhiculée par les émotions du vécu immédiat, cette offre religieuse répond aux manques qui taraudent les pauvres, leur offrant consolations et solidarité dans un cadre communautaire très structurant. J’ai observé cela au Brésil, au Congo et en Corée, mais la même chose se produit chez nous dans les colonies ethno-religieuses de nos banlieues et dans les milieux défavorisés en général. Je dirai qu’il s’agit d’une religion de naufragés, de rescapés, d’une religion de survie qui mérite d’être respectée à ce titre en dépit de ses carences et de ses fréquentes outrances.

Ce courant religieux a-t-il vocation à se substituer aux Églises traditionnelles sans autre forme de procès ? Ce serait une erreur et une faute de lui accorder le monopole de l’évangile et de minimiser ce que le protestantisme historique – comme le catholicisme de son côté –  peut et doit encore apporter au christianisme. Déterminées par les urgences qui assaillent leurs fidèles, ces nouvelles Églises n’ont pas en elles-mêmes les ressources nécessaires pour assumer leur inscription dans le monde, ni pour atteindre une stabilité propice à une transmission durable du message évangélique. Fragiles embarcations surchargées de laissés-pour-compte, de boat people pourrait-on dire, elles ont besoin d’être aidées pour créer des lieux habitables dans la durée. Que leurs tendances charismatiques se doublent souvent de fondamentalisme met en évidence la précarité contre laquelle elles se battent sans avoir les moyens d’y remédier. Sans racines face aux fluctuations du monde, elles arriment leurs néophytes et born again à des doctrines aussi insubmersibles que des bouées de sauvetage. Les grandes Églises ont là un rôle fondamental à assurer en manifestant et en partageant ce qui leur a permis de traverser les siècles. À savoir : la foi en une vérité tissée d’histoire et cependant toujours à chercher, sous la houlette d’institutions qui organisent cette recherche en se référant au chemin déjà parcouru et en autorisant les débats contradictoires que suscitent les situations nouvelles.

Mais où en sont les grandes Églises dans notre monde sécularisé et pluraliste, entre la chrétienté qui a disparu et un avenir émancipé de la religion ?

Je me reporterai ici au penseur protestant Ernst Troeltsch mort en 1923, philosophe, théologien et sociologue allemand proche de Max Weber, qui a longuement analysé l’évolution des religions dans la modernité. Il distingue trois modalités de l’Église : la secte qui sépare, l’organisation traditionnelle qui unit et donne son visage coutumier à la religion, et la forme mystique qui advient par delà les appartenances institutionnalisées. Ces trois modalités peuvent se succéder dans le parcours des sociétés comme dans celui des individus, mais il arrive qu’elles cohabitent plus ou moins dans les flux et reflux de la vie personnelle ou collective – non sans paradoxe parfois. En général, les commencements se caractérisent par un mouvement de rupture, de séparation et de forte revendication identitaire. Vient ensuite le moment de pérenniser l’organisation religieuse en tant qu’institution capable de partager ses valeurs et de les transmettre au monde. Et, pour finir, survient une expérience plus vaste qui est d’ordre mystique et se passe des institutions, débouchant sur l’effacement de toutes les cloisons et séparations. La protestation initiale et le développement ultérieur se dissolvent dans la communion. Il y a des étoiles naissantes, des étoiles au zénith de leur rayonnement, des étoiles qui meurent et se répandent en poussière dans le cosmos, tel est aussi le destin des religions.

Personnellement, j’ai tendance à penser que la religion va mourir en Occident. Mais loin d’être pessimiste et de m’attrister, cette perspective m’inspire de la gratitude et décuple mon espérance. L’effacement des Églises sous leurs formes actuelles peut signifier qu’elles sont arrivées au terme de leur mission, que l’on peut et que l’on doit se réjouir de ce qu’elles ont globalement réussi à apporter au monde, et qu’il est heureux de les voir s’effacer pour laisser venir au jour de nouvelles formes de vie spirituelle à leur suite. Rien n’est jamais perdu dans l’économie mystérieuse de la création et de l’histoire : même les échecs peuvent constituer de prodigieux ensemencements. Si les vagues des océans pouvaient nous enseigner l’humble simplicité qui préside à leur succession, bien des choses nous paraîtraient moins tragiques…. ! Mais, me direz-vous, qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Nous connaissons tous des paroisses qui se détruisent en se crispant obstinément sur les formes héritées de la religion, qui étouffent la vie en voulant la conserver sous l’autorité des anciens qui démobilisent les jeunes en usurpant leur place. La subversion évangélique nous invite à délivrer ces paroisses et nos Églises de leurs obsessions de survie, à libérer les consciences et les structures pour les ouvrir à l’Esprit qui n’est jamais à court de propositions novatrices.

Si la religion est en train de mourir sous ses formes anciennes, quelles sont les conversions qu’il apparaît souhaitable de mettre en œuvre dans les Églises pour préparer l’avenir ?

Au risque de paraître paradoxal, je dirai d’abord que le protestantisme devrait commencer par revenir à la radicalité antireligieuse des intuitions fondatrices de la Réforme. Rejetant l’infantilisation qu’affectionne la religion pour se doter de fidèles soumis, les réformateurs du XVIème siècle ont résolument voulu éduquer le peuple, lui apprendre à lire la Bible en vue de lui donner accès à l’autonomie de la conscience. Alors que notre rapport à la mort hypothèque notre vie et pervertit notre piété sous l’influence persistante de craintes païennes, Jean Calvin ne s’est pas préoccupé de son salut et a demandé que son cadavre soit jeté à la fosse commune, cousu dans un drap dépourvu de toute marque distinctive. À la grâce de Dieu… En pratique, le protestantisme ultérieur a couramment substitué la primauté du péché à la suprématie de la grâce, et ravalé la foi au niveau des œuvres en cultivant le souci individuel et obsessionnel de la condamnation et du salut. Que de promesses non tenues, que de richesses enfouies sous les sédiments de l’histoire ! Mais il est clair que l’avenir ne se lit pas dans le passé, et qu’il nous faut aujourd’hui répondre à des questions qui ne se sont posées ni à Jésus, ni à François d’Assise, ni aux protagonistes des réformes du XVIème siècle.

J’évoquerai ici la question cruciale de la vérité que l’herméneutique moderne renouvelle avec bonheur. Après que la théologie eut longtemps revendiqué le privilège exclusif d’énoncer le vrai, la compétition survenue entre la science et la religion à l’époque de la Renaissance a eu des conséquences désastreuses qu’il faut surmonter sans délai pour entrevoir la mystérieuse richesse des textes. Là comme ailleurs, la voie de l’évangile est celle du renoncement aux assurances et de l’humble recherche. Quand mes étudiants relèvent les écarts qui séparent et opposent parfois les textes bibliques, quand ils découvrent que la compréhension du monde et la vision de Dieu varient considérablement selon les écrits proclamés normatifs, ils réalisent que la vérité ne se dévoile que par ses facettes, débordant tous les cadres y compris le canon des Écritures. Ainsi leur est-il donné de pouvoir s’émerveiller d’une vérité plus vaste que tous les savoirs – englobant le passé, le présent et anticipant sur l’avenir -, et d’accéder ainsi à un rapport à la vérité ouvrant sur l’espérance. Cet horizon est aux antipodes des fondamentalismes qui, toujours et partout, guettent la religion et tentent les Églises. Il nous faut reconnaître notre condition plurielle et en admettre jusqu’au bout les conséquences – la dérangeante et féconde altérité.

Autre dimension majeure de la religion, les rites soulèvent des problèmes plus difficiles à résoudre que ceux, d’abord théoriques, concernant la vérité. Ils constituent des morceaux de langage qui relèvent de l’enfance enfouie au plus profond de chacun – habitudes fortement empreintes d’affectivité, souvenirs aussi insaisissables que prégnants qui rappellent des ambiances, des gestuelles, des musiques, des odeurs, etc. L’individu qui se prétend entièrement émancipé à cet égard dénie et refoule une part essentielle de lui-même. Inversement, celui qui se complaît dans les souvenirs de son enfance au point de s’y engluer se condamne à ne jamais pouvoir accéder à sa liberté. Mais pourquoi ne serait-il pas possible d’inventer des voies respectant les exigences modernes de l’adulte responsable sans pour autant négliger la part d’enfance et ignorer ce qui a marqué ses origines ? La complexité de ces questions invite à la modestie et au pragmatisme : ne compte finalement que ce qui permet à chacun de vivre sa foi en esprit et en vérité sans omettre de la partager. Ce constat me porte à préconiser un espacement des cultes classiques au profit d’autres formes de rencontres à inventer, et la reconnaissance officielle de la double appartenance confessionnelle des fidèles protestants et catholiques de manière à favoriser le dépassement des clivages actuels.

N’est-ce pas en essayant de changer le monde au nom de l’évangile que les chrétiens changeront leurs Églises et feront advenir le christianisme de demain ?

Oui, c’est notre rapport au monde que nous devons convertir en priorité. Et là s’impose d’emblée un constat radical et universel : nous ne sommes que des humains et non des dieux, vivant au sein d’un monde fragile au rythme d’une histoire qui emporte tout pour sans cesse créer du neuf dans le sillage de l’ancien. Il nous faut accepter notre vulnérabilité et celle de la nature, reconnaître le caractère fugace de nos existences et de nos institutions. Mais le constat que toute vie est éphémère la rend particulièrement précieuse et interpelle notre responsabilité : nous devons nous protéger les uns les autres, protéger notre patrimoine commun et respecter les règles qui nous permettent de vivre ensemble. Face à la marchandisation qui détruit la nature et exacerbe la violence entre les hommes, il faut d’urgence transformer nos modes de consommation. Ce n’est pas seulement pour des raisons économiques que nous devons changer nos habitudes alimentaires ou nos comportements en matière de déplacement, c’est pour devenir plus humains et pour humaniser toute la création et sauvegarder la vie.

En dénonçant les faux-dieux et l’idolâtrie, l’évangile prescrit trois grandes ruptures qui sont susceptibles de désaliéner l’homme contemporain : rompre avec les rêves du pouvoir, avec la compulsion à la propriété, et avec ce que j’appelle la complaisance culturelle. Quand Jésus affirme « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », il reconnaît au champ politique une autonomie légitime, mais surtout il brise toutes les visions théocratiques. Aucun pouvoir humain ne peut s’identifier au pouvoir divin, aucune instance politique ne peut se substituer à Dieu pour exercer la violence en son nom et se faire adorer. Mais le nouveau veau d’or qui asservit aujourd’hui l’humanité est érigé par la religion du marché. Contre lui, il ne suffit pas de se déclarer anticapitaliste, il faut se battre pour placer effectivement l’homme au centre des préoccupations sociales et politiques, et en payer le prix. « Plus un sdf à la rue ! » : pourquoi différer, en invoquant son coût, un engagement aussi impératif qui pourrait être d’une portée exemplaire et impulser d’autres initiatives ? En troisième lieu, je dirai qu’il faut rompre avec le conformisme mortifère qui étouffe notre société. Avec les artistes et les poètes qui percent dans les murs de la bienséance des brèches ouvrant sur l’inédit et l’avenir, il faut retrouver la parole et la rendre aux gens, oser le scandale en se risquant sur des chemins inédits. Comme l’écrivait Emerson : « Je fuis père et mère, femme et frère lorsque mon génie m’appelle. J’écrirais volontiers sur les linteaux de la porte d’entrée: « Caprice ». J’espère du moins que c’est quelque chose de mieux qu’un caprice, mais nous ne pouvons pas passer la journée en explications ».

Au fond, et sans du tout nier le tragique de la vie, l’immense souffrance des hommes et la cruauté de leurs échecs, je crois qu’il est sain de percevoir le monde comme un théâtre où le comique de nos prétentions et quiproquos nous invite à l’humilité. Que savons-nous et que pouvons-nous savoir de l’absolu et de l’éternel ? Que pouvons-nous imposer à autrui au nom de Dieu ? Nous passons notre temps à parler de choses dont nous ignorons l’essentiel, à usurper des pouvoirs qui ne nous appartiennent pas, à nous contredire dans notre propre existence et entre nous. Est-ce à dire que tout doit être relativisé ? Assurément non, et c’est même le contraire que nous enseigne cette évocation. C’est parce que nous avons vocation à cheminer dans la vérité qu’il nous faut la respecter absolument et renoncer à la travestir dans des formes chosifiées pour en user à nos propres fins. C’est parce que les institutions constituent l’indispensable cadre de notre existence personnelle et collective qu’il nous faut en prendre soin sans nier leur fragilité et leur nature passagère, ni en faire des instruments de domination. La Parole, parmi les humains, a pris dans des formes de vie différentes, et s’il y a un temps pour protester, résister, dissider parfois, aménager des camps de toiles dans la nuit, il y a aussi un temps pour construire des espaces qui soient des théâtres accueillants pour nos communautés, apte à donner un cadre à la suite des réinterprétations de l’évangile, et enfin il y a un temps pour s’effacer afin que le monde puisse continuer à renaître.

Propos recueillis par Jean-Marie Kohler, rédacteur en chef de la revue Parvis

(1) Cette interview conclut un dossier intitulé « La subversion évangélique ».

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Le printemps arabe est un défi pour la foi chrétienne

Voici un extrait d’un article écrit par Marius Morin, citoyen du Québec. Formation en Pédagogie, Philosophie, Théologie, Counseling. Le Counseling se définit comme une relation interpersonnelle d’écoute active, d’aide et de soutien Expérience de travail en Colombie et au Pérou. Retraité toujours interpelé par l’actualité. Cet article est publié sur le site Culture et Foi

Le constat que nous pouvons faire, devant cette prise (crise) de conscience des peuples, est qu’aucune religion n’échappera à ce phénomène. On a appelé cela le phénomène de la sécularisation, tantôt de la laïcisation, ou encore de la modernité. De plus en plus, on sort les religions de l’espace public  pour les reléguer à l’espace privé. Depuis la deuxième guerre mondiale et l’avènement des Nations Unies, l’espace public est celui de la raison commune, des chartes de droits et libertés qui régissent les lois civiles votées par l’obtention d’une majorité de votes, qu’on appelle la volonté démocratique d’un peuple.

Mais quelle leçon pouvons-nous retenir pour le christianisme de demain? Il y aura un effondrement de la foi chrétienne si celle-ci se limite à un système étouffant de pratiques, de croyances et de rites religieux. Les chrétiens et chrétiennes croyants et convaincus devront, et souvent à regret, se libérer des autorités religieuses pour conquérir une liberté de pensée et de parole. L’Église catholique, comme institution de pouvoir,  deviendra minoritaire dans un monde de plus en plus sécularisé en Amérique Latine, en Afrique et en Asie.

Cependant quand je parle de l’Église, je ne parle pas du christianisme. Le christianisme s’est répandu en dehors de l’Église catholique. On a qu’à penser aux valeurs de la révolution française de « liberté, égalité et fraternité ». Ce sont des valeurs chrétiennes. Elles sont issues du christianisme, c’est-à-dire de l’Évangile. Ces valeurs ont mûri en dehors de l’Église où les autorités religieuses ne leur avaient pas donné droit de cité. La liberté, l’égalité, la fraternité, la solidarité, la compassion, appelons-les comme on veut, sont des idées chrétiennes, des valeurs évangéliques. En réalité, c’est un christianisme hors religion qui survivra. Ce sont ces valeurs républicaines portées par le christianisme qui structureront  notre vivre ensemble dans les années à venir.

La nouvelle évangélisation ne doit jamais devenir une reconquête de l’espace public, mais la promotion de ces valeurs démocratiques (d’inspiration chrétienne) dans le monde sécularisé. Ce sont des fruits que le christianisme a porté hors de l’Église et qu’elle n’a pas su s’approprier en temps et lieu. Malheureusement, il y a encore trop de droits humains bafoués dans l’Église catholique. Par exemple, les chrétiens devraient pouvoir participer aux nominations des principaux ministres évêques et prêtres; avoir accès aux ministères ecclésiaux qu’ils soient hommes mariés ou femmes; être respectés en tout temps dans leur liberté de conscience prévalant sur toutes directives ecclésiales; que ceux et celles, qui vivent de manière responsable l’amour et la fidélité  en couples de même sexe ou divorcés-remariés, ne soient plus exclus de la communion eucharistique, etc.?

Le défi de l’heure pour le christianisme est la déshumanisation qui règne un peu partout dans les sociétés du monde. Les oligarchies politiques, militaires et financières de droite luttent de toutes leurs forces contre les États socialistes qui prônent plus d’équité, plus de justice, plus d’emplois, plus de fraternité, plus d’engagement envers les pauvres, les malades, les handicapés, les aînés et les travailleurs. Comme chrétiens et chrétiennes mettons tous nos efforts non pas à sauver l’institution de l’Église, mais à faire vivre ces valeurs évangéliques dans un monde sécularisé où elles sont continuellement menacées. Voilà le défi qui nous attend.

Un monde nouveau : l’Evangile

« Dans un monde en mutation, le rapport à la religion est en mutation et les religions elles-mêmes sont en mutation. Alors, que deviendra le christianisme ? Personne ne peut le dire, même si des constats, des réflexions et des propositions sont avancées. Par contre, la problématique engendrée par la marchandisation généralisée s’énonce clairement : « aujourd’hui, la cause est sans équivoque, sublime : il s’agit bel et bien de sauver l’humanité » (Edgar Morin). Or, pour la question de l’humanité nous pouvons encore et toujours nous référer à l’Evangile, pour autant que nous sachions renouveler notre mode de lecture.

Le christianisme, dans sa forme sociale, historique et instituée n’est pas l’Evangile : comme entre la lettre et l’Esprit, on constate un écart, et parfois même une incompatibilité entre les deux ! Il est fréquent par exemple d’entendre déplorer la rupture entre l’Eglise « officielle » qui s’arroge le pouvoir et la vérité tout en refusant la modernité, et le peuple des croyants, qui se reconnaissent amis du Jésus de l’Evangile tout en vivant dans leur temps. Les bons chrétiens du Petit Reste risquent de former le troupeau fidèle d’une Eglise-musée, celle de l’intégrisme religieux, de la restauration romaine ou même simplement celle d’un christianisme anachronique accroché à ses dogmes, rites, préceptes moraux et expressions de langage complètement dépassés pour nos contemporains. Mais heureusement aussi, de fait, l’Eglise en diaspora est déjà là ! Chez les protestants depuis longtemps déjà, rejoints par les catholiques critiques, les membres du Parvis, et de plus en plus de chrétiens déçus par des paroisses figées ou rétrogrades, on peut dire comme José Maria Castillo : le christianisme est en train de sortir de l’Eglise. Parmi les théologiens aussi, des voix s’élèvent et réclament l’ouverture de nouveaux chantiers. En février dernier, 143 théologiens allemands, dans leur manifeste : « Eglise 2011 : un renouveau indispensable », réclament des réformes de fond, et entre autres un meilleur rapport entre Eglise et Société. Le même mois, au Forum Social de Dakar, d’autres théologiens suggèrent que les religions soient reconsidérées à partir d’une nouvelle épistémologie théologique en fonction de l’actuelle pluralité religieuse et la crise écologique planétaire. Mentionnons la richesse des écrits de la théologie de la libération, qui est toujours aux côtés des opprimés, toujours anti-raciste, féministe, et sensible à l’environnement. Dans une direction proche, l’éco-spiritualité naissante dénonce la vision d’un Dieu extérieur et une théologie anthropo-centrée qui favorisent la coupure dominante de l’homme avec la nature dont il fait pourtant partie. Les chrétiens d’Orient peuvent nous envisager l’in-habitation réciproque de Dieu et de la Création et nous apprendre notre responsabilité envers la création, puisque nous devons aussi lui faire exprimer sa divinité. En un mot, il s’agit aussi de l’aimer !

Avec la perspective de crises enchevêtrées sur les plans économiques, écologiques, et sociétaux, en contexte postmoderne et multi-religieux, nous ne savons donc pas ce que va devenir l’Eglise. Nous savons que nous ne changerons pas l’institution nous-mêmes. Mais l’intérêt et le foisonnement de ces recherches évoquées au sein même du monde chrétien nous indiquent un changement orienté vers l’avenir, et il est bien nécessaire !

A notre époque mouvement et angoissée, quelles valeurs et quels modèles sont proposés à nos contemporains pour atteindre le bonheur ? L’argent, le pouvoir, la consommation, le loisir, l’individualisme, le mensonge, la violence. Face au vide laissé par l’abandon d’une pratique chrétienne décalées, et face à la religion du marché et du spectacle, comment nourrir l’être profond et vivre ensemble ? Face aux défis qui nous attendent pour « sauver la planète et l’humanité » où puiser l’énergie pour nos résistances et nos espérances ?

Pour approcher les besoins spirituels de nos contemporains, il nous faut distinguer au moins deux générations. Les seniors hérités de Vatican II et Mai 68 sensibilisés aux libertés, à la politique, l’exigence démocratique, à la justice, l’égalité homme-femme. Et, d’autre part, les adultes plus jeunes, première génération libérée des obligations religieuses, sensibles à l’épanouissement personnel et à la sécurité affective, davantage rôdée à l’inter-culturalité et marquée par l’urgence écologique. Si certains anciens ont encore quelque attente vis à vis de l’Eglise-institution, pour les plus jeunes, il s’agit d’un passé révolu. Par contre, ils sont « en recherche » ; recherche de repères et croissance humaine et spirituelle et recherche de sens.

A tout âge, ces adultes plébiscitent le partage et l’amitié ; ils sont tous, au fond, mobilisés par les questions d’injustice et d’incertitude planétaire, et tous ont besoin d’une dimension intérieure et d’un soutien fédératif pour investir la responsabilité et l’engagement de solidarité qui leur incombe, comme à tout citoyen du monde. Progressivement, nous avons conscience en effet : il nous faudra revendiquer et construire une civilisation de l’austérité partagée pour reprendre l’expression de Juan José Tamayo, en développant une spiritualité de la finitude et de la modération selon les termes de Dominique Bourg.

Serions-nous vraiment étonnés de relever la concordance entre les attentes de nos contemporains comme nous venons de les brosser rapidement et les conclusions auxquelles aboutissent aujourd’hui des penseurs à l’écoute du monde, tels qu’Edgar Morin, Alain Touraine, Hervé Kempf, ou encore Dominique Bourg ou même Jacques Gaillot ? Selon eux, les deux principaux défis à relever pour un monde nouveau : la défense des droits humains pour tous, et l’écologie. Et les ressources principales pour y arriver : la vertu, la conquête d’un nouvel art de vivre, et la communauté.

Alors après avoir admis que nous changeons notre manière de croire – en poursuivant un itinéraire personnel d’évolution – et de nous réunir en ékklésia (mot grec, signifiant assemblée et traduit par église), et après avoir nommé nos besoins spirituels face aux enjeux que vit l’humanité aujourd’hui, posons la question directement : l’Evangile est-il toujours d’actualité ? Et en particulier pour les plus jeunes, et pour celles qui n’attendent plus de l’Eglise mais cherchent des textes de spiritualité, des témoins, des éveilleurs.

L’Evangile – plus exactement les quatre évangiles – est un texte inspiré, délivré pour tous, à égalité, et qui appartient à tous. C’est un texte poétique, issu du terreau humain et de la vie de la nature. Il relate la vie et les paroles de Jésus, Homme totalement accompli, qu’il adresse à ses ami-es. qui le suivent. Dans cet Evangile Jésus touche le fond de l’être humain qui est toujours le même à travers le temps et l’espace ; il dit la vérité de l’homme et cela ne se démode pas.

Oui, l’Evangile met encore aujourd’hui l’homme au debout au centre, il le libère et le guérit. S’adressant aux plus petits, exclus, pauvres ou malades, il renverse le « beaucoup avoir » ou le « bien être ». Il renverse aussi la possession en gratuité, et propose le don, le partage et la sobriété (un exemple ? la multiplication des pains : quel contrepoids à la société de consommation, aux faux besoins matériels et à l’individualisme !). L’Evangile est un exemple de non violence et de confiance : il montre une autre façon de réagir en altérité et respect de la différence. Contrecarrant l’idée de réussite et de pouvoir ostentatoire, l’Evangile propose à la place l’humilité, le service aux autres, hors des rituels, des règles morales ou des dogmes (pensons au Samaritain). Le message central de l’Evangile, c’est l’Amour Agapè : amour fraternel réciproque (aimez-vous les uns les autres) qui exige une réelle autonomie et appelle à la communauté. La visée essentielle de l’Evangile peut se résumer ainsi : humanisation de l’Humanité et divinisation de l’humain.

Oui, osons affirmer la puissance de l’Evangile pour le monde nouveau que nous espérons ! Son message d’amour universel apporte ce qu’il faut pour ressourcer notre force intérieure en cette ère de perturbations et de mutations : amour envers soi, envers les autres, envers le cosmos ; amour simple, réciprocité, amour de partage, de soin, de solidarité.

« Le journal d’une main et l’Evangile de l’autre, cela nous suffit », serions-nous tentés de dire, car l’important, pour nous, c’est de mettre l’Evangile comme une boussole au coeur de nos vies et de faire confiance à l’Esprit. Si chacun pratique cette double lecture quotidienne, c’est en effet une bonne fondation. Mais ce serait oublier la dimension essentielle d’une lecture à plusieurs en un même lieu. Modifions alors la formule : « Le journal d’une main, l’Evangile de l’autre, et la vie partagée avec celle des autres ». Nombreux groupes de Parvis en font l’expérience : lire l’Evangile à plusieurs, en l’articulant au vécu de chacun, le renouvelle, le rend vivant. On peut s’émerveiller et s’enrichir d’entendre les résonnances multiples d’une seule page comme le kaléidoscope jouant avec le reflet particulier de chaque vie, de chaque interprétation. Car nous avons le droit de lire et d’interpréter librement l’Evangile ! Nous sommes toutes et tous adultes, capables de le lire en le respectant et en l’actualisant. Saisissons ensemble l’Evangile : nous y apprendrons la justice et le respect de tous les humains : nous y apprendrons les attitudes de douceur et de tendresse les uns envers les autres et envers la nature. Partageons nos vies à la lumière de l’Evangile dans des groupes fraternels : nous expérimentons le soutien d’une petite communauté de sens et nous pratiquerons une lecture incarnée de ces textes tout en recevant leur souffle régénérant. Car l’Evangile est dans la vie – et non pas enfermé, ni dans une théorie ni dans une église ! L’Evangile est Vie, il nous dynamise aujourd’hui et pour demain encore. »

Cécile Entremont, Les Réseaux des Parvis, éditorial du numéro spécial consacré au thème « Un monde nouveau l’Evangile », juin 2011. Cécile Entremont est docteur en théologie et co-présidente des Réseaux du Parvis

Pour un dialogue nouveau entre Église et Société

Communiqué de l’équipe nationale des groupes Jonas

D’abord, nous constatons que de tous côtés, et notamment en différents pays européens, des appels pressants sont adressés à l’Eglise catholique pour qu’elle entende, enfin, certaines questions qui se posent et de manière insistante. Un moment étouffées- car les murs bétonnés existent dans l’Eglise- les vraies questions reviennent à la surface. Nous pensons, en particulier, aux conditions de réintégration des lefebvristes, au memorandum de plus de 400 théologiens germanophones, à l’appel de plus de 400 prêtres et diacres autrichiens, appel approuvé par plus de 71% de la population Leur inquiétude est aussi la nôtre et nous en sommes solidaires. Ces protestations expriment indiscutablement un malaise mais formulent également des demandes précises.. Ici, chez nous, nous sommes témoins que nombre de catholiques refusent le mouvement de restauration qui s’est instauré dans leur Eglise. Ils sont inquiets pour l’avenir de leur communauté, spécialement pour sa mission d’évangélisation.

1 – Une première crainte concerne la fidélité à l’enseignement de Vatican II. Elle vient d’être activée, lors de la rencontre du cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de Mgr Felay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X. C’est toute la légitimité du Concile qui est en jeu, avec quelques questions majeures : la collégialité épiscopale, le dialogue interreligieux, l’oeucuménisme, la liberté religieuse. Est-il nécessaire de rappeler qu’un concile œcuménique est la plus haute instance législative de l’Eglise catholique ? A l’inverse d’autres conciles, Vatican II n’a pas été convoqué pour défendre une institution menacée ou revendiquer un pouvoir hégémonique dans la société mais pour confronter la Parole de Dieu avec le dynamisme de l’histoire. Quelles que soient les limites du travail conciliaire, c’est pour une large part, en acceptant ce parti-pris d’ouverture à la rencontre et à la liberté de recherche, qu’il a permis à l’Eglise de mettre en relief son identité profonde. Cette ouverture – déjà mise en valeur dans la longue histoire du Peuple de Dieu- dépasse, quoiqu’on en dise, de simples problèmes de réformes. C’est une manière autre de concevoir la nature de ‘Eglise et sa situation dans le monde. C’est pourquoi, l’éventualité d’une seconde « Prélature personnelle » ( après celle de l’Opus Dei), en vue de réintégrer les lefébvristes ne laisse, à notre avis, présager rien de bon. Nous craignons que cela revienne à légitimer l’existence d’une Eglise dans l’Eglise et cela sur simple décision du pape. Va-t-on sacrifier les éléments novateurs de Vatican II sur l’autel d’intégristes résolus ?

2) Un deuxième aspect retient notre attention. Il est lié à la vie ecclésiale. Il s’agit de ces sujets qui reviennent sans cesse dans les synodes diocésains mais qu’il est interdit –curieusement – de transmettre à Rome. L’un des plus fréquemment évoqués concerne l’attitude de l’Eglise catholique à l’égard des divorcés remariés. La question revient souvent, posée désormais par de hautes instances de la communauté ecclésiale (tel le président de la Conférence épiscopale allemande), par nombre de pasteurs et par une fraction chaque jour grandissante du peuple chrétien. Beaucoup s’étonnent – à juste titre- que l’Eglise ne tienne pas compte de la diversité des situations. Le synode des évêques sur la famille, en 1980, demandait par 179 voix contre 20 « qu’on se livre à une nouvelle recherche à ce sujet, en tenant compte également des Eglises d’Orient, de manière à mieux mettre en évidence la miséricorde pastorale ». Cette demande expresse n’a produit aucun résultat, et il n’est pas étonnant que la loi encore en vigueur ait pour effet d’encourager les décisions individuelles de plus en plus nombreuses.

3) Nous relevons aussi la question des ministères La situation des prêtres, en nombre continu de décroissance et de vieillissement, est devenu un véritable défi. Certains « se tuent » littéralement à la tâche, trop souvent limitée au culte, et les nouvelles formes d’aménagement pastoral sont plus qu’hésitantes. D’autre part, beaucoup d’instances d’animation pastorale (conseils pastoraux, équipes pastorales) ne remplissent pas leur mission. Parmi les questions posées, en France et ailleurs, on ne peut oublier celle de l’ordination presbytérale d’hommes mariés, sans en faire une panacée et en tenant compte du contexte. Quant aux diacres permanents, la plupart mariés, on constate que certains deviennent de véritables animateurs de paroisses, ce qui interroge sur la spécificité du diaconat et sur la confusion qu’on entretient entre « exercer un ministère » et choisir tel état de vie (célibataire, marié).Revient aussi, en différents lieux, la question de l’ordination des femmes, soit au diaconat, soit à la prêtrise. Sans doute, faudrait-il distinguer ce qui est théologiquement possible et ce qui demeure inopportun dans le contexte actuel…

4) Un autre point d’attention porte sur la rupture culturelle qui s’établit entre l’Eglise et la société. C’est cela notre première préoccupation. Le langage, les rites, la communication, la manière de sentir et de penser de l’institution ecclésiale sont décalés et deviennent imperméables à la majorité de nos contemporains. Il s’agit bien plus que d’une question de vocabulaire, il s’agit d’une manière autre d’approcher les réalités que nous vivons, et particulièrement les réalités d’ordre religieux. Nous assistons à un véritable mouvement d’émancipation par rapport aux arguments d’autorité et de tradition, et à une revendication de la liberté de penser et de croire. Ce rejet d’une vérité toute faite et intangible, ce refus d’une parole surplomblante et enfermante, cette impossibilité d’admettre un pouvoir discrétionnaire et sans appel sont au cœur du divorce qui sépare l’institution ecclésiale et la société. Le système doctrinal et ritualiste élaboré par des cultures et des langages du passé devient irrecevable de nos jours. Par contre, il nous paraît primordial d’être attentif à la richesse des différentes cultures. Ne faudrait-il pas revenir à la Source, c’est-à-dire à l’appel de Jésus de Nazareth à le suivre sur les chemins inédits de libération qu’il ne cesse d’ouvrir ? D’autre part, n’est-il pas urgent de clarifier la notion de « nouvelle évangélisation » désormais à l’ordre du jour ? En quoi l’évangélisation sera-t-elle nouvelle ? – Ce n’est sûrement pas en faisant appel d’abord à de nouveaux « outils » (Internet, rassemblements de tous ordres) pour autant nécessaires dans notre monde de communication. L’évangélisation sera « nouvelle » si elle s’inscrit concrètement dans un contexte qui lui, est, incontestablement, nouveau. Fera-t-on l’effort d’analyser ce nouveau contexte socio-culturel et d’en tirer courageusement les conséquences qui en découlent ? Nous demandons instamment que le synode romain 2012 y soit attentif.

C’est bien une Eglise en débat qui est ici en jeu pour affronter les défis de notre temps. Nous avons voulu y prendre notre modeste part et nous serions heureux si elle suscitait vos propres réactions.

L’équipe nationale des groupes Jonas

Brève présentation de Jonas.

Les groupes JONAS sont nés dans les années 1987-1988. Jonas » a toujours eu comme souci de participer au grand projet de Vatican Il : « une Église qui se laisse interroger par le monde », « une Église douée d’une parole audible et compréhensible » pour ce monde. Les membres fondateurs de Jonas ont depuis plus de vingt ans, toujours veillé aux orientations de Vatican II sans en faire un point final. Jonas s’est donné quelques moyens d’observation :

des groupes dans bon nombre de Diocèses

un bulletin : « Courrier de Jonas » et un site Internet :

www.groupes-jonas.com/neojonas Adresse mail du site : redaction@groupes-jonas.com

Le Youcat : tout n’est pas parole d’Evangile

Voici une analyse sur trois des articles qui se trouvent dans le Youcat

5          Pourquoi certaines personnes nient-elles l’existence de Dieu alors qu’elles peuvent le connaître par la raison ?

Pour l’esprit humain, connaître le Dieu invisible est un grand défi qui en fait reculer plus d’un. Beaucoup ne veulent pas reconnaître Dieu parce que cela les obligerait à changer de vie. Celui qui dit qu’il est absurde de se poser la question de Dieu se simplifie la vie un peu trop vite.

On part du principe que je peux connaître Dieu par la raison. Des catéchismes encore plus anciens parlent des preuves « ontologiques » de l’existence de Dieu (par exemple l’histoire de l’œuf et de la poule…)

On peut très sérieusement mettre en cause cette approche. Cela sous entend aussi que l’existence de Dieu ne peut être qu’évidente si je réfléchis un peu. Si je ne l’admets pas, c’est que je suis un minable. Cela provient sans doute du fait, qu’à cause du péché originel, je porte en moi une « goutte de venin » (paragraphe 68), qui m’empêche de reconnaître Dieu et de lui attribuer la place qu’il mérite.

Dans un système idéologisé et j’ajouterai fanatisé, cette logique tient la route. Mais, indépendamment de la non véracité de ce genre d’affirmation, elle présente de graves inconvénients

  • ·         Si j’étais incroyant, je me sentirai vexé et insulté par ce genre d’affirmation. Les incroyants sont des pauvres types qui s’engagent dans une voie sans issue, alors qu’il ne dépend que d’eux de se mettre sur la bonne voie. (Ceci est encore affirmé dans l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI). Je ne suis pas sûr que c’est le meilleur moyen d’engager le dialogue Eglise-monde et je comprends très bien que les personnes extérieures à l’Eglise puissent se méfier de l’Eglise. En plus, il ne s’agit pas de n’importe quel Dieu. C’est celui de l’Eglise catholique romaine et sans doute pas du Dieu de ceux qui ne sont même pas des églises (les protestants)
  • ·         Pour accueillir Dieu, il faut que je fasse des efforts. Ce n’est donc pas à la portée de tous. Je fais donc partie de l’élite des purs et des durs qui, à cause de leurs efforts et de leurs mérites, mettent Dieu au centre de leur vie.
  • ·         Un gourou d’une secte ou un chef politique fasciste ne s’y prendrait pas autrement pour galvaniser ses troupes.
  • ·         On a complètement oublié la déclaration de Vatican II sur la liberté religieuse. Il est vrai que pour certains, Vatican II est une parenthèse qu’il faut vite gommer et qu’avant Vatican II, l’Eglise a combattu l’idée de la liberté religieuse

 

160      Pouvons-nous aider les âmes du purgatoire ?

Oui, puisque tous les baptisés dans le Christ forment la communion des saints et sont solidaires les uns des autres, les vivants peuvent aider les âmes des défunts qui sont au purgatoire.

Une fois mort, l’homme ne peut plus rien faire pour lui-même. La période de probation active est terminée. Mais nous, nous pouvons faire quelque chose pour les défunts du purgatoire. Notre amour est actif jusque dans l’au-delà. Par nos jeûnes, nos prières, nos bonnes actions, mais, surtout par la célébration de l’eucharistie, nous pouvons demander des grâces pour les défunts.

Précisons que le purgatoire est une spécificité catholique et une invention des théologiens du XIIe siècle. (il est vrai que certains y voient des traces dans le livre des Maccabées, mais pas sous la forme où cela est conçu actuellement). Mais indépendamment de cela qu’est ce qui est important ? Le jeûne, la prière, nos bonnes actions et la célébration de l’eucharistie. On n’a pas abandonné l’idée que ce sont nos mérites qui nous sauvent et apparemment aussi d’autres. C’est une façon de fabriquer des dévots et des piétistes. Il me semble que tout est grâce. Ne confondons pas foi et religion. (on peut relire l’article Foi et religion ). On a complètement oublié qu’un accord catholique-protestants sur la justification par la foi a été signé qu’on contourne allègrement avec le concept de « Consensus différencié » qui, en langage moins diplomatique signifie que chacun croit ce qu’il veut.

Dans le même registre (mais Youcat n’en parle pas), tout le fatras des indulgences reste toujours valable dans l’Eglise catholique. Lorsque le pape le décide, à un moment donné (mais si on décide que c’est le jeudi, cela ne marche pas le mardi), à un endroit donné, en faisant des salamalecs bien précises, visiter telle église, réciter telle prière et surtout prier aux intentions du pape, on obtient des indulgences qui, si on a suivi le bon rituel et que le pape en a décidé ainsi, sont plénières et dont on peut aussi faire bénéficier les âmes du purgatoire. Que des esprits un peu simplets y trouvent leur compte, tant mieux pour eux, mais l’Eglise ne se rend pas compte qu’en encourageant de telles pratiques, elle perd toute crédibilité vis-à-vis de l’extérieur et vis-à-vis de bon nombre de ses membres.

Encore un mot sur la célébration de l’eucharistie. Dans la stratégie de reconquête de la nouvelle évangélisation, l’accent sera mis sur l’adoration du saint sacrement, la fête Dieu ou le Sacré Cœur qui sont des dévotions populaires datant du moyen âge et dont on ne voit pas de traces dans le premier millénaire. Ne soyez donc pas surpris si on essaiera de remettre tout cela à l’honneur. On voudrait aussi porter l’accent sur la confession. Mais apparemment pour le moment cela ne marche pas. On a voulu faire une grosse pub en installant 200 confessionnaux dans les rues de Madrid et le pape, dans sa grande mansuétude, a permis aux prêtres de ces confessionnaux, de pardonner le péché d’avortement.

 

374      Pourquoi Dieu est-il plus important que la famille ?

Personne ne peut vivre sans relation avec autrui. Pour quelqu’un, la relation la plus importante est celle qu’il entretient avec Dieu. Elle passe avant toutes les relations humaines, même avant les liens familiaux.

Les enfants n’appartiennent pas à leurs parents ni les parents à leurs enfants. Toute personne appartient directement à Dieu, elle n’a de lien absolu et pour toujours qu’avec Dieu. C’est ainsi qu’il faut comprendre le sens de la Parole de Jésus à ceux qu’il appelle Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (Mt 10, 37). C’est pourquoi les parents remettront leur enfant avec confiance dans les mains de Dieu, si le Seigneur l’appelle à lui donner sa vie comme prêtre ou comme religieux (ou religieuse).

Quel est ce dieu jaloux et despote qui voudrait qu’on le préfère à sa propre famille ? Il me semble que c’est Dieu qui nous aime en premier, gratuitement et sans condition. Et celui qui prétend aimer Dieu et qui n’aime pas son prochain est un menteur. Cette vision de Dieu je la rejette. Elle ne correspond pas au Dieu d’amour, libérateur. Je comprends difficilement que quelqu’un qui a fait l’expérience d’une vraie vie de famille puisse écrire cela. En absolutisant cette vision fanatique (c’est aussi l’exigence de gourous de sectes et on sait les drames de suicides collectifs que cela a parfois donnés), cela peut déboucher sur des situations tout à fait inhumaines.

Ce commentaire en dit aussi long sur le fait que ce sont aux parents de remettre dans les mains de Dieu les enfants qui veulent devenir prêtre, religieux ou religieuse. Cela nécessiterait tout un développement sur la conception qui est véhiculée sur la vie religieuse qui est considérée (il faut bien gratifier les personnes qui s’y engagent) comme un état supérieur aux autres.

Vatican II… respecté ou trahi

La revue canadienne « Prêtres et Pasteurs » a interviewé Mgr Charbonneau, évêque canadien qui a maintenant 88 ans et qui a participé au Concile Vatican II.

Revue Prêtre et Pasteur, juin 2011, «Vatican II… respecté ou trahi», p. 322-329.

Une partie plus longue de cet entretien se trouve sur le site Culture et Foi

http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/mgr_paul-emile_charbonneau_entretien.htm

Prêtre et Pasteur: Enthousiaste durant vos quatre années du concile, après cinquante ans, l’êtes-vous encore autant dans l’Église d’aujourd’hui? Comment vous y sentez-vous?

Mgr Charbonneau: J’ai gardé, je pense, mon enthousiasme dans mon ministère d’évêque. Le feu est toujours là. Par ailleurs une grande peine se mêle à mon enthousiasme. C’est de constater que le concile est oublié. Vatican II, un bel avenir oublié! À votre question je réponds: aujourd’hui, dans mon Église, je me sens mal à l’aise, perplexe et impatient.

Mal à l’aise, car je ne ressens plus cette belle liberté de parole que j’avais durant le concile. Cette liberté de parole, à l’image de celle du cardinal Frings d’Allemagne — dont le théologien personnel s’appelait l’abbé Joseph Ratzinger — qui disait en pleine salle conciliaire, le 9 novembre 1963: « Les congrégations romaines sont un scandale dans l’Église et dans le monde ». Une intervention suivie d’une longue salve d’applaudissements, la plus longue de tout le concile, dans ce lieu vénérable.

Perplexe. À certains jours, je me demande dans quelle Église on veut me voir vivre. Dans une Église qui fait des clins d’œil bienveillants aux anciens Lefebvristes, hostiles au concile, à qui on assigne une paroisse dans un diocèse de France sans en parler à l’évêque du lieu? Dans une Église qui accueille des évêques et des prêtres anglicans en dissension interne avec leur Église? Je me retrouve alors dans une Église traditionnelle de « récupération ». Et je me sens loin, bien loin de l’aggiornamento de Vatican II.

Impatient. Ma grande impatience, c’est de passer d’une Église cléricale à une Église peuple de Dieu, peuple des baptisés, telle que voulue par le concile Pour moi, dans le déroulement et le travail du concile Vatican II, l’initiative la plus décisive, l’initiative la plus chargée d’avenir a été l’introduction entre le chapitre premier du document sur l’Église et son chapitre troisième consacré à la hiérarchie, l’introduction d’un chapitre deuxième sur le peuple de Dieu.

À 88 ans, je n’ai pas le goût d’entrer en guerre avec la curie romaine. Je n’ai pas le goût de croiser le fer avec les mouvements intégristes du Québec. Je n’ai pas le goût de jouer à l’évêque rebelle. J’ai tout simplement le goût d’être vrai, d’être positif et d’annoncer à temps et à contre-temps ce que le concile Vatican II désire de son Église. Depuis un an, j’ai repris le bâton du pèlerin et j’en serai bientôt à ma 38e rencontre à travers le Québec pour remettre mes soeurs et frères chrétiens à l’école de Vatican II, pour les re-concilier. Depuis un an, j’ai échangé avec des milliers de laïcs et de religieuses, avec des centaines de prêtres, pour apprendre leurs déceptions et aussi et surtout leurs grands désirs.

C’est ainsi que je me situe dans mon Église d’aujourd’hui.

Prêtre et Pasteur: Quand vous êtes revenu du concile, selon vous, quelles idées maîtresses devaient orienter les efforts à accomplir pour répondre aux attentes des Québécois catholiques de cette époque?

Mgr Charbonneau: Je crois que nos chrétiens avaient comme première attente une liturgie renouvelée. Une attente clairement exprimée. Le concile pour nos Québécois c’était : « Le concile, c’est le changement dans la messe ». C’est d’ailleurs ce qu’ils avaient retenu du concile. Et ils ont été comblés sur ce point : beaucoup et d’heureux efforts ont été faits pour répondre à cette attente.

Mais il est une autre attente, peu exprimée, une attente, je dirais, silencieuse mais bien réelle : celle d’être reconnu dans l’Église, d’avoir une place dans l’Église. Je viens de dire que pour plusieurs, le concile c’était la liturgie. II faut ajouter qu’on avait aussi retenu une expression célèbre du concile : « le peuple de Dieu ».

Dans les années précédant le concile, les militants d’Action Catholique réclamaient leur place dans l’Église. Je revois encore cette jeune militante de la J.A.C. qui me dit avec du feu dans les yeux, lors d’une réunion des responsables d’Action Catholique : « Monseigneur, quand est-ce que vous allez nous lâcher « lousses »? » Ils étaient une minorité. Aujourd’hui ce sont des milliers de baptisés, appelons-les des « laïcs libérés », qui veulent vraiment passer d’une Église cléricale à une Église peuple Dieu et qui sont prêts à prendre des responsabilités. Ce sont ces laïcs et ces religieuses que j’ai rencontrés dans mes pérégrinations depuis un an. Ils ont des questions à poser, des déceptions à souligner, et aussi de grands désirs à exprimer.

Par ailleurs, je constate que la hiérarchie et le clergé, nous sommes encore attachés à notre Église cléricale. Nous nous entêtons à conserver le modèle constantinien au lieu de passer au modèle proposé par Vatican II, inspiré des trois premiers siècles où la conscience des chrétiens, disciples du Christ, d’être le peuple de Dieu était prédominante. Nous sommes préoccupés par le manque de prêtres et nous recourons à des prêtres de Pologne ou d’Afrique pour colmater les brèches. Évidemment si nous tenons au modèle de l’Église cléricale, nous manquerons de prêtres et nous paniquerons pour l’avenir. Si nous relevons le défi d’édifier une Église, peuple de Dieu, une Église des baptisés, en reconnaissant le sacerdoce commun des fidèles, nous vivrons sans panique, dans une Église remodelée, rebâtie selon les désirs de Vatican II. Au fond, nous ne vivons pas une crise du sacerdoce, mais une crise de baptêmes endormis. J’oserais dire — et je me cache la figure — que c’est parce que nous avions trop de prêtres que depuis seize siècles nous avons gardé le modèle d’une Église cléricale. Depuis Constantin au quatrième siècle. Jean XXIII disait à l’ambassadeur de France au Vatican, en 1963, alors qu’il se mourait : « J’ai voulu secouer la poussière impériale qu’il y a depuis Constantin sur le trône de Pierre ».

Je reviens donc à mon impatience : passer d’une Église cléricale à une Église, peuple des baptisés. C’est la grande urgence aujourd’hui.

Quelle liberté politique, quelle liberté de la parole et quelle liberté de décision sont laissées aux fidèles dans l’Eglise?

L’Eglise du 19ème siècle s’est définie face aux Etats comme une société parfaite, c’est-à-dire, disposant absolument de tous les pouvoirs qu’il y avait dans les Etats. Je rappelle qu’à ce moment là, il y avait encore un Etat du Vatican, qui est un Etat de l’Eglise, il y avait des Etats de l’Eglise en Italie, où le pape était en même temps souverain temporel qui traitait à égalité avec les autres souverains. La papauté imposait son propre idéal politique. Alors, l’Eglise se définissait comme une société parfaite, c’est-à-dire dotée de tous les pouvoirs. L’Eglise a voulu s’affirmer comme société parfaite en voyant combien l’idée démocratique gagnait du terrain en Europe où beaucoup d’Etats monarchiques devaient laisser au moins les aristocrates ou les hommes plus riches élaborer des constitutions et donc reconnaître une certaine liberté aux autres. C’était aussi l’époque où tous les Etats monarchiques étaient menacés par l’idée démocratique c’est-à-dire par l’idée que le pouvoir appartient au peuple. Pour la papauté, c‘était une idée tout à fait irréligieuse car le pouvoir vient de Dieu. Il ne monte pas du peuple, il descend de Dieu. La papauté était persuadée que l’aspiration démocratique allait entraîner l’Europe dans le chaos politique, de telle sorte qu’un jour, tous les Etats se retourneraient vers l’Eglise et l’Eglise tenait à donner l’exemple d’être la société parfaite. Une société parfaite, c’était une monarchie absolue de droit divin, un tout petit peu tempérée par le collège des cardinaux. Et donc, le pouvoir appartient exclusivement à la succession apostolique des évêques, successeurs des Apôtres. C’est un pouvoir sacré, réservé aux personnes consacrées. Rappelez-vous que les rois étaient aussi sacrés, une sacralisation reçue du pape, qui marquait bien que le roi ou l’empereur était l’oint du Seigneur, c’est-à-dire tout proche de Dieu. Il avait reçu l’onction. Et donc pour l’Eglise, la démocratie s’oppose au droit divin, selon lequel tout pouvoir vient de Dieu, le droit révélé. D’où l’Eglise ne veut pas de démocratie sous quelque forme que ce soit, par exemple l’idée ce que l’on a appelé un moment le présbytérianisme, où le pouvoir serait aux mains de l’assemblée des prêtres ; ou encore l’Eglise a combattu l’idée que le concile œcuménique serait supérieur au pape. C’est ainsi que s’est construite, l’idée de la primauté pontificale.

Vatican II a apporté bien des adoucissements à cette vision des choses, c’est certain. Il y a des aménagements qui sont entrés dans le droit canon, ce n’est pas niable. Par exemple, il y a des laïcs qui sont entrés dans les conseils pastoraux. Vatican II a fortement invité tous les évêques et les curés à faire appel au conseil des laïcs, à faire entrer des laïcs dans leurs conseils. J’ai bien dit conseil… je n’ai pas parlé de la prise de décision ; le conseil, la réflexion, mais c’est déjà quelque chose ! Le droit canon reconnaît un droit d’association aux laïcs, à condition qu’ils se déclarent, bien entendu. Il n’empêche que la question se pose : est-ce que le chrétien jouit, dans l’Eglise, de droits citoyens comparables à ceux dont il jouit dans la société civile ? On peut se poser la question. On y répond d’ailleurs assez vite.

Il ne faut pas oublier aussi qu’il y a l’inégalité qui tient à la consécration. Le pouvoir appartient aux clercs depuis l’institution de la distinction entre laïcs et clercs qui remonte au début du IIIème siècle, avec ce qu’on appelle la tradition apostolique d‘Irénée, qui n’a rien d’apostolique d’ailleurs. Mais, c’est le moment où l’on a commencé à imposer les mains à des personnes qui avaient, seules, le droit de participer à la liturgie. Donc, une inégalité hommes – femmes, puisque l’Eglise ne permet pas aux femmes d’accéder à la consécration. Est-ce que cet accès à la consécration sacerdotale serait le seul moyen de rétablir des droits politiques dans l’Eglise ? A vous encore d’y réfléchir. Mais il est certain que l’inégalité homme – femme devient de plus en plus choquante dans un monde dont l’évolution se caractérise, inversement, par la participation de plus en plus grande des femmes à tous les échelons du pouvoir, du pouvoir politique comme du pouvoir industriel. Donc, au regard du monde sécularisé, le chrétien ne jouit pas, dans l’Eglise, des prérogatives et des libertés qui sont considérées comme constitutives des droits humains dans le société civile. Le chrétien n’est pas un individu majeur. Il est encore mineur. La femme encore plus. Et cela contribue très fortement à la séparation du monde et de l’Eglise, et contribue très fortement à la perte de crédibilité du langage théologique. Et même quand nous considérons les très belles avancées de Vatican II, en direction du monde moderne, il est certain que ces avancées sont réelles, très réelles, mais que le langage de l’Eglise n’est pas crédible, vu qu’elles ne sont pas appliquées à l’intérieur de l’Eglise, qu’il n’y a pas de liberté de parole dans l’Eglise, que les fidèles ne participent pas à l’organisation de la cité chrétienne, de la cité ecclésiale et que les femmes sont traitées à inégalité avec les hommes.

Comment reconstruire l’Eglise en société respectueuse des droits politiques de ses fidèles ?

Comment les chrétiens peuvent-ils arriver à tenir une parole responsable dans l’Eglise ? Comment faire ?

Il est certain que l’Eglise n’entend pas laisser, par exemple, ses dogmes et ses pratiques religieuses, et les abandonner à la libre initiative des fidèles. On ne peut oublier que l’Eglise est un Etat de droit, comme on aime à le dire de nos jours. C’est-à-dire qu’elle est fondée sur une écriture, une tradition. On pourrait rappeler que, pendant très longtemps, la coutume était d’élire les évêques. Les évêques étaient élus par leur communauté. C’est quand l’administration de l’Eglise s’est modelée sur l’administration impériale après la conversion de Constantin, c’est à ce moment-là que toute la vie de l’Eglise a changé et qu’elle est devenue beaucoup plus hiérarchique et centralisée etc.

La hiérarchie ecclésiastique se dit dépositaire du droit divin, de l’écriture et de la tradition, mais cela ne devrait pas empêcher les catholiques, les chrétiens, les fidèles, d’exercer une fonction interprétative.

La tradition a toujours été une innovation incessante qui reflète beaucoup des évolutions culturelles des sociétés où les laïcs ont eu leur importance. Comment se fait-il, par exemple, que la pénitence privée a succédé, au XIème siècle, à la pénitence publique ? Parce que les chrétiens ne voulaient plus de la pénitence publique, ne voulaient plus s’y soumettre, et alors l’Eglise a évolué pour cette raison-là. Comment les laïcs pourraient-ils exercer une fonction interprétative ? Comment concevoir des droits de citoyenneté, de concitoyenneté dans l’Eglise. Il faut se rappeler, bien sûr, que Paul ne prônait rien tant que l’unité de la foi. Autrement dit, aucun chrétien ne peut prétendre imposer sa parole à d’autres. Aucun groupe chrétien ne peut l’imposer aux autres groupes chrétiens. Il faut avoir le souci de l’unité, d’un certain consensus. Alors, il ne faut pas s’attendre à ce que les évêques, d’eux-mêmes, donnent la liberté de la parole aux chrétiens. Il ne faut pas rêver. Il y a des évêques qui, de plus en plus, consultent, oui, mais il ne faut pas oublier non plus que l’épiscopat, c’est la chaîne historique qui nous rattache aux origines chrétiennes. C’est à ce titre que je tiens au symbole des Apôtres, non pas pour refuser aux chrétiens ou à des groupes chrétiens de se faire des credo particuliers. Mais c’est le lien qui nous rattache à l’événement historique de Jésus-Christ, à la révélation historique de Dieu en Jésus-Christ. Le symbole des Apôtres rappelle que Jésus était un homme de l’histoire et que l’Esprit Saint vient de lui, l’Esprit Saint qui forme la communauté.

Donc les chrétiens peuvent revendiquer le droit d’exercer la responsabilité de leur « vivre ensemble » en l’Eglise. Et aucune autorité religieuse ne peut les empêcher de prendre la responsabilité de leur « être chrétien » dans le monde, de leur « être avec les autres » dans le monde. Encore doit-il prendre aussi ses responsabilités sur la base d’une lecture commune de l’Evangile, d’une interprétation collective de l’Evangile pour voir comment vivre en chrétien dans le monde et comment vivre dans l’Eglise en « être politique » c’est-à-dire en être libre. Comment vivre la vie de l’Eglise dans des communautés de partage de la parole évangélique ? Là, je crois que vous savez faire. Vous avez là un savoir-faire à répandre, en évitant d’effrayer les autres. Hélas, tous n’aspirent pas à la même liberté, c’est ça qui est triste. Il faudrait rendre attractive la liberté à laquelle nous, nous aspirons et que nous essayons de prendre. Mais transformer de plus en plus la vie en Eglise, non pas en réunions cultuelles mais en communautés de partage de la parole évangélique. Ce partage incluant le partage du pain, comme ça se faisait au début de l’Eglise. Partager la parole, c’est ainsi que, peu à peu, les fidèles pourront prendre et exercer des droits de citoyenneté dans l’Eglise.

Il y a là, donc, un vaste champ de réflexion en se disant et en essayant de faire comprendre aux autorités de l’Eglise, que l’Eglise ne sera respectée dans le monde que dans la mesure où elle apparaîtra, elle-même, comme un espace de vie et de liberté politiques. Tant qu’elle n’apparaîtra pas ainsi, alors elle apparaîtra comme une secte religieuse où c’est le rite qui domine tout. La chance de l’Eglise de répandre l’Evangile dans le monde, c’est de montrer, elle-même, qu’il y a, dans l’Eglise, une liberté de parole, d’échange de parole, de construction d’une parole chrétienne

Ceci est un extrait de la conférence du Père Joseph Moingt prononcée le 27 mars 2011, lors de la Rencontre de la Communauté Chrétienne dans la Cité (CCC).

La conférence complète se trouve sur le site de NSAE (Nous Sommes Aussi l’Eglise)

http://www.nsae.fr/2011/07/13/l%e2%80%99humanisme-evangelique-par-joseph-moingt/