Le tombeau n’est pas vide, il est ouvert

Couvent St Jacques

DIMANCHE DE PAQUES, 12 AVRIL 2020

Evangile selon s. Jean, 20, 1-10

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » 

Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.

C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Ensuite, les disciples retournèrent chez eux.

Homélie du frère Gabriel Nissim

Le tombeau n’est pas vide. Il est ouvert.

Tout est ouvert : la foi, et avec elle, l’avenir. La vie. Le Royaume nouveau.

Tout est ouvert : les tombeaux de notre humanité. Le péché. La souffrance. Le mal qui ne pourra plus ni enfermer, ni écraser. Cette épidémie meurtrière. Notre terre et nos cieux, qui s’ouvrent sur des Cieux nouveaux, sur une Terre nouvelle. Nos communautés humaines, nos sociétés, qui s’ouvrent sur la Jérusalem nouvelle.

Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, ont couru au tombeau dans les ténèbres. Pierre ne voit que le tombeau vide. L’autre disciple, lui, « il voit et il croit ». Il passe des ténèbres à la lumière.

Le jour se lève. Premier Jour. Premier Jour, pas seulement de la semaine, mais d’un temps nouveau, au-delà du temps.  

Mais cette ouverture, ni lui, ni Pierre ne l’avaient saisie au moment où elle s’est réellement produite : au Jardin des Oliviers. Quand Jésus dit : « Ta volonté, non la mienne » – ta volonté, celle que les ténèbres soient vaincus ; que le mal, dans son enchaînement interminable, se heurte et se brise, enfin, face à la résistance d’un cœur humain plus fort que lui. Il se brise sur ce choix radical du Christ d’aimer, jusqu’au bout, de donner sa vie, son corps, son sang.

Aujourd’hui, dans nos existences à nous, c’est ce même choix, radical, libre qui nous est demandé, offert.

A certains moments pour des choix existentiels qui orienteront toute notre vie. Et aussi dans ces moments tout simples, au quotidien, à travers des gestes naturels, spontanés. Ces gestes où, intuitivement, nous choisissons la vie partagée, l’attention à la vie des autres, le pardon mutuel, la bienveillance.

A nous alors de voir et de croire notre propre existence – celle des autres, celle de l’humanité tout autant – non plus comme un tombeau vide, mais comme une réalité ouverte. Nous constatons combien parfois notre existence est vide – combien elle n’est plus qu’un tombeau vide si elle n’est pas animée par ce Souffle de Vie, ce Souffle de Sainteté. Et je me dis que, ces jours-ci, beaucoup de gens comprennent cela et le vivent.

Moïse, tant qu’il était à garder ses moutons dans le désert, sa vie était vide.

Mais voilà que Dieu lui fait voir et entendre ce que Dieu lui-même voit et entend : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple. J’ai entendu, oui, entendu, le cri que lui arrachent ses oppresseurs. Va ! Je t’envoie libérer mon peuple. » (Exode, 3, 7-10)

Voilà la volonté du Père. Voilà ce que Jésus voit et entend au Jardin des Oliviers : l’immensité de ce cri de souffrance qui monte, sans cesse, de toute l’humanité – l’urgence d’une libération radicale, l’urgence de la Pâque. Alors Jésus se relève de sa prière, et il va – pour cette Pâque, ce Passage, pour ouvrir le chemin vers la Terre nouvelle et les Cieux nouveaux, « là où il n’y aura plus ni cri, ni deuil, ni souffrance ». (Apocalypse, 21,4).

Nous, alors, devant ce tombeau vide de l’existence de tant de personnes, aujourd’hui comme hier ; quand nous-mêmes, aussi, nous nous laissons séduire par tant d’apparences brillantes et séduisantes qui se révèlent vides ; quand, comme les disciples à Gethsémani, nous abandonnons le combat et prenons la fuite – eh bien ! ce matin, avec le disciple que Jésus aimait, à nous de voir ces tombeaux vides comme des tombeaux ouverts : « J’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer » (Apocalypse, 3,8).

A nous de voir et de croire que le chemin du Christ en sa Pâque est « le chemin, la vérité, la vie », pour les autres comme pour moi. Croire, dans ce que nous voyons de nos existences, que celui qui veut garder sa vie pour lui la découvrira vide. Que celui qui la donne, l’ouvre.

Notre Père ouvre nos tombeaux.

Jésus le Christ, notre frère et notre maître de vie, nous relève avec lui.

Le Souffle de Vie nous habite.

Partageons ensemble ce Souffle de vie, cette force du cœur.

Le Jour se lève.

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